jeudi 2 février 2012

Groupements d’activités : une initiative publique désormais entièrement privatisée.


Le groupement d’activités est une expérimentation sociale dont l’idée a été lancée en 2008 à l’initiative de Martin HIRSCH, à l’époque Haut commissaire aux Solidarités Actives contre la Pauvreté.

A mi-chemin entre le GEIQ, avec un objet d’insertion et de qualification, et le groupement d’employeurs, avec le CDI, les groupements d’activités sont structurés sous la forme d’entreprises de travail à temps partagé (Articles L. 1252-1 et suivant du Code du travail) qui sont des sociétés de droit privé au même titre que les sociétes de travail temporaire.

Quel bilan peut-on tirer après 6 années d’expérimentation et après la démission de Martin HIRSCH du gouvernement en mars 2010 ?

La première expérimentation lancée en juillet 2008 à Nantes / Saint-Nazaire avec le Pôle de compétitivité EMC2 comme porteur de projet a fait long feu et ce groupement d’activités, lancé sous la forme associative, a été dissout en décembre 2009 sans jamais avoir été vraiment opérationnel.

Depuis lors 3 groupements d’activités sont en place à Tours, Avignon, Mulhouse et un projet est annoncé en Béarn (Pyrénées Atlantiques).

Le bilan reste pour le moins très mince. Le plus ancien groupement d’activités, Ametis Touraine, annonçait pour son lancement en mars 2010 une cinquantaine d’embauches au minimum. Au final le chiffre d’affaires publié n’a été de 123 000 euros ( et 104 000 euros de déficit ! ) soit au mieux 3 ou 4 équivalents temps plein en plus du personnel de direction et de gestion.

Pourtant des moyens financiers très importants ont été apportés par les pouvoir publics :
- plusieurs centaines de milliers d’euros ont été investis dans des études de faisabilité réalisées par le cabinet Boscop
- les sociétés de droit privé « Amétis » bénéficient par arrêtés préfectoraux d’embauches de personnel en CUI-CAE, avec un taux de financement de 90%

Problème : il apparaît clairement que 3 sociétés de droit privé « Amétis » sont toutes détenues par la société nantaise SAS Réseau Ametis , elle même détenue par le Cabinet Boscop situé à Nantes à la même adresse que Réseau AMETIS.
Ces sociétés « Amétis » bénéficient de financement à 90% de leur personnel en CAE, qui est mis à disposition, lucrativement, à des entreprises privées dans le cadre juridique de l’article L. 1252-1 à L 1252-13 du Code du travail. Or, ce type de contrat aidé s’adresse exclusivement au secteur non marchand dans lequel n’entre pas, par définition, les sociétés filiales de Réseau Ametis. Un parlementaire a été saisi pour demander au Ministre de l’Emploi quels sont les textes qui lui ont permis de déroger à ce principes posé par l’article L 5134-21 du Code du travail. Pour mémoire, les groupements d’employeurs, par nature à but non lucratif, n’ont pas la possibilité de mettre à disposition de leurs adhérents (sauf s’il s’agit d’adhérents ayant la forme d’associations non lucratives) des salariés recrutés sous la forme de CAE.

Le problème de la lucrativité de l’activité des groupements d’activité est aussi clairement posé. La société « mère » Réseau Ametis dégage en 2010 un bénéfice publié de 63 000 euros alors que sa seule filiale « Ametis Touraine » en activité en 2010 réalise un déficit publié de 104 000 euros (82% du chiffre d’affaires).

Le problème de la responsabilité sociale pose lui aussi problème. En effet, les entreprises de travail en temps partagé comme les sociétés « Amétis » ne sont pas tenues réglementairement de garantir leur passif social comme le sont les sociétés de travail temporaire (caution) ou les groupements d’employeurs (responsabilité solidaire).

Vu de la lorgnette des groupements d’employeurs, toute cette affaire est bien mal perçue et donne le fâcheux sentiment que les pouvoirs publics semblent prêts à dépenser beaucoup d’argent dans une expérimentation privée et libérale alors que les mêmes moyens n’ont pas été accordés aux groupements d’employeurs qui mènent avec leurs propres ressources de nombreuses expérimentations bien plus efficaces en terme d’emploi.

Pour en savoir plus sur Réseau Ametis cliquez ici

3 commentaires:

  1. Félicitation pour ce commentaire courageux, dont on espère qu'il ouvrira les yeux des pouvoirs publics qui se sont mobilisés pour ce dispositif dont vous montrez bien les limites. A force de vouloir encourager "l'innovation sociale", on passe à côté d'un soutien nécessaire aux groupements d'employeurs qui maintiennent et développent l'emploi sur un bassin. Mais c'est surement moins spectaculaire qu'un groupement d'activités.

    RépondreSupprimer
  2. C'est vraiment incroyable de voir que l'Etat finance des CAE à ces sociétés alors que nous avons tant de mal à obtenir des contrats dans notre association avec des financements nettement inférieurs.J'espère au moins que leur clients ne paient pas plus de 1.20 euros par heure de mise à disposition (10% du coût à charge)sinon c'est encore plus délirant.
    Le secteur associatif appréciera !

    RépondreSupprimer
  3. aux limites de l'absurde,le promoteur de ce dispositif a été rejeté des différents mouvements de GE et GEIQ, donc il crée la 3° voie sur les mêmes fondements mais aux limites de ce que permet la loi et ... les pouvoirs publics suivent?! désepérant et malgré un premier fiasco (bel article) ça continue

    RépondreSupprimer