mardi 1 février 2011

Concrètement, quels sont les contrats de travail accessibles aux groupements d’employeurs ?

Quels contrats de travail les groupements d’employeurs peuvent-ils signer pour le personnel qu’ils mettent à disposition de leurs adhérents ?

Le code du travail ne nous apporte aucune réponse détaillée puisque l’article L. 1253-1 se contente de la définition suivante :

« Des groupements de personnes entrant dans le champ d'application d'une même convention collective peuvent être constitués dans le but de mettre à la disposition de leurs membres des salariés liés à ces groupements par un contrat de travail. »

L’administration a néanmoins précisé les choses dans sa circulaire du DRT N°94/6 du 20 mai 1994 relative aux groupements d'employeurs en citant, de manière limitative cinq cas distincts :

« En définissant ainsi l'objet de l'activité des groupements, le législateur a entendu viser plusieurs situations auxquelles ce dispositif permet de répondre :

1- partager à temps partiel un salarié qualifié (comptable, cadre ayant des compétences spécifiques) ;
2- utiliser successivement, suivant les périodes de l'année, un ou plusieurs salariés pour effectuer des travaux saisonniers se situant à des époques différentes (exemple : taille d'arbres fruitiers, récolte de légumes, travaux d'été, récolte de fruits à l'automne) ;
3- bénéficier occasionnellement d'appoint de main-d'œuvre pour renforcer l'effectif de salariés existant, et permettre ainsi de faire face à des besoins échelonnés avec un travailleur qui bénéficie du statut de salarié permanent du groupement ;
4- maintenir la permanence de l'emploi d'un salarié sur plusieurs entreprises alors que ce dernier était menacé de licenciement ou risquait de voir son statut devenir précaire ;
5- transformer des emplois précaires en emploi permanent en mettant à la disposition des adhérents les services d'un salarié expérimenté. »

Le cas premier est le partage entre plusieurs adhérents d’un salarié, qui met en œuvre ses compétences, à temps partiel, chez chaque adhérent. L’administration vise ainsi le cas de l’embauche en contrat à durée indéterminée (à temps complet, partiel ou intermittent) d’un salarié que chaque adhérent n’aurait pu recruter seul à temps complet et qui va ainsi partager ses compétences. De même, le troisième cas (renfort de main d’œuvre échelonné) et le cinquième cas (emplois précaires), renvoient aussi à cette notion de contrat à durée indéterminée en transformant des emplois précaires en emploi permanent.

Le contrat à durée indéterminée est très souvent mis en avant pour définir l’objet social du groupement. Pourtant la réalité est tout autre. L’enquête de la MSA, publiée sur ce blog, sur la période de 2000 à 2009 nous apprend que 80% des contrats de travail signés dans les 4000 groupements d’employeurs agricoles sont des contrats à durée déterminée. Les GEIQ, de leur coté, ont pour objectif d’organiser des parcours d’insertion et de qualification au profit de demandeurs d’emploi rencontrant des difficultés d’insertion professionnelle. Le CDI n’est donc pas l’objectif et la plupart des contrats de travail sont donc des contrats de professionnalisation à durée déterminée. Enfin, bon nombre de groupements d’employeurs multisectoriels ont régulièrement recours aux contrats à durée déterminée pour surcroît de travail ou pour remplacer un salarié absent de l’un de leurs adhérents et publient régulièrement des annonces en le précisant.

Le recours au contrat saisonnier est directement visé par l’administration et n’a jusqu’à présent jamais posé de difficulté. L’objectif du groupement est de proposer aux salariés plusieurs emplois saisonniers afin de permettre au salarié d’être occupé toute l’année. Cette relation de travail peut indifféremment se faire par la signature d’une succession de contrats saisonniers (qui ouvre des droits à l’assurance chômage dans certains cas, entre chaque saison) ou bien sous la forme d’un contrat de travail intermittent alternant périodes saisonnières de travail et périodes non travaillées (qui n’ouvre aucun droit à perception d’indemnité de chômage pendant les périodes non travaillées) ou enfin de contrat à durée indéterminée à temps complet, le plus souvent assorti d’une modulation du temps de travail.
Le contrat de travail saisonnier peut inclure une clause de reconduction pour l’année suivante. De même, la relation de travail, face à une succession d’emplois saisonniers peut être considérée comme « globalement à durée indéterminée » avec obligation pour le groupement d’employeurs de procéder à un licenciement pour y mettre fin, comme si le salarié était titulaire d’un contrat à durée indéterminée (Cass. soc., 6 juin 1991, no 87-45.308 : Bull. civ. V, no 288).

Contrairement à l’emploi saisonnier, l’administration ne vise pas le cas des emplois dans lesquels il est d’usage constant de recourir au contrat à durée déterminée, dits « d’usage ». Ce contrat peut être utilisé par les entreprises qui relèvent d’un des 20 secteurs d’activité cités à l’article D.1241-1 du Code du travail dans lesquels on retrouve des activités des groupements d’employeurs comme l’hôtellerie, la restauration ou les exploitations forestières. S’agissant d’un groupement d’employeurs forestier, l’inspection du travail a déjà fait connaitre sa position en excluant le recours à des contrats d’usage de faible durée et en incitant le groupement à privilégier le contrat de travail à durée indéterminée intermittent.

Le cas des contrats à durée déterminée de professionnalisation sont par contre possibles et l’administration l’a rappelé à plusieurs reprises notamment dans l’instruction DGEFP n°2008-14 du 20 août 2008. Néanmoins, sur le terrain, on constate que l’accès n’est pas le même selon qu’il est conclu par un GEIQ ou par une forme de groupement d’employeurs. S’agissant du GEIQ, l’instruction précitée précise que le contrat de travail peut prévoir une mise à disposition à un seul adhérent pendant la durée dudit contrat. Par contre, en Languedoc Roussillon, la DIRRECTE a refusé à deux groupements d’employeurs de conclure des contrats de professionnalisation « mono-adhérent » au motif que cela contrevient au principe de partage du travailleur entre plusieurs adhérents inscrit, en creux, dans le Code du travail.

La signature des contrats à durée déterminée pour surcroit de travail par les groupements d’employeurs pose sans conteste un vrai problème juridique et une hostilité assez générale des inspecteurs du travail. Sur le plan juridique, il n’ existe effectivement aucune base légale qui permette de justifier le recours à de tels contrats dont la nature est contraire à l’objectif de lutte contre la précarité que s’est assigné le législateur en créant les groupements d’employeurs. Le recours à ce contrat est d’ailleurs exclu par la circulaire du DRT N°94/6 du 20 mai 1994 relative aux groupements d'employeurs qui prévoit à l’inverse que l’emploi précaire ou occasionnel ne soit possible …que dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée. A cela s’ajoute le problème de l’objet du contrat. Le surcroît qui va être précisé dans le contrat de travail est celui de l’adhérent et non pas celui du groupement. C’est d’ailleurs la principale critique qui a été faite au portage salarial qui a été réglée par l’accord paritaire interprofessionnel du 24 juin 2010. Le motif de surcroit par ricochet est aussi prévu dans l’intérim par accord national interprofessionnel. Tel n’est pas le cas des groupements d’employeurs qui prennent incontestablement des risques importants en signant ce type de contrat. Les inspecteurs du travail se sont prononcés dans ce sens à de multiples reprises sur le sujet et ont même du, dans des cas extrêmes, notifier leur droit d’opposition au fonctionnement du groupement d’employeurs pour faire cesser ce type d’agissement.

La même critique concernant l’objet du contrat de travail peut être faite pour les contrats de travail à durée déterminée « remplacement d’un salarié absent». Ce n’est pas le salarié du groupement d’employeurs qui est remplacé mais celui de l’adhérent.
Il convient de noter, qu’en la matière, la forme spécifique des groupements d’employeurs agricoles « service de remplacement » fait exception en prévoyant non seulement le remplacement (y compris en contrat à durée déterminée) de l’exploitant agricole ou de son conjoint mais aussi de ses salariés.

En conclusion, il convient de rester strictement dans la norme et de veiller à ce que chaque groupement d’employeurs réponde bien à son objet, c'est-à-dire, lutter contre la précarité et/ou participer à l’insertion et la qualification de personnes en difficultés.

2 commentaires:

  1. Bonjour,
    Etant à l'heure actuelle, en cdi à plein temps comme comptable dans une association, celle ci vient de créer un groupement d'employeurs avec 2 associations de la ville, disposant également et chacune d'un comptable à plein temps en cdi. Le but étant la "mutualisation" et la pérennisation de mon emploi (je suis emploi tremplin et les subventions cesseront en novembre 2013). On me propose à partir du 1er janvier 2013 de me mettre à disposition du GE ???? Je croyais que la règle était l'inverse, non ? On me parle de transfert d'activité et non de de transfert de personne ? Par ailleurs, la comptabilité devant se faire au siège du GE dans les locaux avec les ordinateurs et logiciels acquis par le GE, sous le contrôle du directeur du GE, j'ai peur de m'aventurer dans de l'exercice illégal de la comptabilité ... Avez vous un avis ?

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  2. Je vous conseille de consulter l'ordre des experts comptables et un syndicat de salariés

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