mercredi 1 août 2012

Comment les Prud'hommes de Nantes envisagent les obligations d'un groupement d'employeurs


CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE NANTES
 
SECTION ACTIVITES DIVERSES – N° RG : FO9/01427
 
AUDIENCE DU 20/01/2011
 
 
 
RAPPEL DES FAITS
 
 
 
Monsieur Madec est embauché le 1er septembre 2008 au sein du groupement d'employeur LIGER et sera affecté chez BOMEX TRANSPORT.
 
Préalablement à l'embauche, une convention de stage a été signée entre le groupement d'employeur LIGER et le centre de formation FORGET pour que le salarié obtienne les permis C et EC ainsi que la FIMO.
 
Monsieur Madec suivra ces formation en alternance d'octobre 2008 au 30 janvier 2009 et occupera au sein des transports BOMEX les fonctions suivantes : nettoyage camions, peinture vestiaire, préparation commandes, chargement et déchargement camions.
 
Fin 2008, Monsieur Madec a obtenu ses permis E et EC ainsi que la FIMO et est désormais opérationnel pour être chauffeur routier.
 
Le 7 avril 2009, il écrit au groupement d'employeur LIGER pour réclamer le remboursement de ses frais de formation (frais de déplacement)
 
Par courriers recommandé en date du 10 et du 20 avril 2009 il va mettre en demeure la société LIGER de lui fournir du travail en fonction de sa qualification acquise suite à l'obtention de ses permis.
 
Le 20 avril 2009, il se présente physiquement chez LIGER et demande à être mis à disposition dans une autre société que BOMEX en tant que chauffeur routier.
 
Le 22 avril 2009, il écrit de nouveau au groupement d'employeur afin que ce dernier respecte le contrat de travail et lui rembourse ses frais de formation. Dans ce courrier, Monsieur Madec détaille les évènements qui se sont passés entre le 20 et le 21 avril dans les locaux de la société LIGER.
 
Une mise à disposition au sein de la société LAITERIE DU VAL D ANCENIS  est proposée au salarié.
 
Par lettre du 24 avril 2009, il est convoqué à un entretien préalable de licenciement , acec comme précision qu'il est envisagé un licenciement sans préavis , ni indemnité.
 
Le 6 mai 2009, jour de l'entretien , Monsieur Madec est accompagné d'un conseiller du salarié.
 
Il sera licencié pour faute grave le 20 mai 2009 pour les motifs suivants : Abandon de poste, insubordination, mise en cause directe et nominative de vos collègues de travail, propos dégradants vis à vis de vos collègues.
 
Monsieur Madec contestera les griefs ainsi reprochés et saisira le conseil de prud'hommes de Nantes  le 2 décembre 2009 pour faire valoir ses droits.
 
 
THESE ET MOYENS DES PARTIES
 
Vu l’article 455 du Code de procédure civile, le Conseil de Prud’hommes de Nantes, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, se rapporte aux conclusions déposées au dossier et développées oralement à l’audience du 20 janvier 2011
 
 
 
 
DISCUSSION
 
 
 
Sur l'exécution déloyale du contrat de travail
 
Attendu selon l'article L1222-1 « le contrat de travail est exécuté de bonne foi »
 
Attendu selon l'article 1134 alinéa 3 du code civil, les parties à un contrat ont une obligation de loyauté l'une envers l'autre.
 
Attendu que le contrat de travail de monsieur Madec stipule à l'article 4 qu'il est employé à plein temps par LIGER et exercera les fonctions de chauffeur routier sous le contrôle et selon les directives des ses supérieurs hiérarchiques des entreprises adhérentes auprès desquelles le salarié sera mis à disposition,
 
En l'espèce, Monsieur Madec a suivi toutes les formations et obtenu les permis EC et C (poids lourds) ainsi que la FIMO. Chez la société BOMEX, il va effectuer des taches sans aucune relation avec sa fonction à savoir, le nettoyage des camions, la peinture des vestiaire, la préparation de commande, le chargement et le déchargement de camions. A aucun moment le salarié n'exercera les fonctions de chauffeur livreur, qualification prévue à son contrat de travail,
 
En conséquence, le conseil de prud'hommes de Nantes constate la violation du principe d'exécution de bonne foi du contrat de travail et alloue  à Monsieur Madec la somme de 1350 € au titre de dommages et intérêts.
 
 
Sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse:
 
Attendu que selon les dispositions de l’article L 1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné au besoin, toutes les mesures d’instructions qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
 
Attendu que le juge a l’obligation d’examiner l’ensemble des griefs invoqués dans la lettre de licenciement.
 
Attendu que dès lors que la lettre de licenciement énonce un motif précis, il appartient au juge du fond de vérifier le sérieux et la réalité des faits sur lesquels il se fonde.
 
Attendu que la lettre d’énonciation des motifs de licenciement fixe les limites du litige.
 
Attendu que s’agissant d’un licenciement disciplinaire, si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l’encontre du salarié et les conséquences que l’employeur entend en tirer quant aux modalités de la rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués
 
 
Attendu qu'en l'espèce, par un courrier recommandé en date du 20 mai 2009, Monsieur Madec s'est vu notifier son licenciement pour faute grave pour les motifs suivant :
·        Abandon de poste
·        Insubordination
·        Mise en cause nominative de vos collègues de travail
·        Propos dégradants vis à vis de vos collègues de travail
 
Attendu qu'en matière de faute grave, il appartient à l'employeur d'apporter la preuve justifiant sa décision
 
     En ce qui concerne l'abandon de poste à compter du 20 avril 2009, il ressort des pièces versées au débat que Monsieur Madec s'est toujours présenté chez son employeur, qu'il s'est toujours tenu à la disposition de son employeur. Il le rappelle dans les différents courriers qu'il adresse à la société LIGER au mois d'avril 2009, qu'il se tient à la disposition de son employeur pour un poste de chauffeur routier.
    Afin de prouver l'abandon de poste, l'employeur aurait du démontrer une absence injustifiée et répétée de la part du salarié, ce qu'il ne fait pas en l'espèce.
     Par conséquent, le conseil de prud'hommes de Nantes écarte ce premier grief.
 
Pour le second grief, l'employeur estime que le refus d'exécuter des tâches qui  étaient confiées par la société BOMEX constitue une insubordination manifeste.
L'insubordination est caractérisée dès lors que le salarié refuse d'exécuter une tâche prévue au contrat de travail
Dans la lettre de licenciement, l'employeur fait état d'une proposition de travail (mécanique poids lourds) que le salarié aurait refusé. Il ne fait pas état d'un refus par rapport à la qualification de chauffeur routier. Le conseil considère qu'il l'insubordination n'est pas caractérisée puisque le salarié a  refusé d'accomplir un travail qui n'entrait pas dans ses attributions de chauffeur routier.
 
En ce qui concerne le troisième grief, la mise en cause nominative des collègues de travail, il ressort des courriers du salarié versés au débat que les propos écrits de ce dernier ne remettent pas en cause la probité et l'honnêteté ainsi que les qualités professionnelles des collègues de travail. Ce grief doit être écarté.
 
Enfin, lorsque Monsieur Madec évoque dans un de ses courriers  des tâches qu'il estime comme dégradantes, il indique que ces tâches qui lui ont été confiées n'avaient rien à voir avec sa qualification professionnelle de chauffeur routier.
 
En conséquence, le conseil de Prud'hommes de Nantes dit que le licenciement de Monsieur Madec est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
 
Attendu que l'article L1235-5 du code du travail dispose que le salarié peut prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi.
 
Attendu qu'en l'espèce,Monsieur Madec n'a retrouvé qu'un emploi de manœuvre d'octobre 2009 à septembre 2010 par une société d'intérim, qu'il a perçu un complément d'allocations chômage pendant cette période.
 
 
Qu'en conséquence le conseil de prud'hommes de Nantes alloue  à Monsieur Madec la somme de 2000 € net au titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif.
 
Sur le paiement de la mise à pied conservatoire
 
Attendu selon l'article L 1332-3 du code du travail, lorsque les faits reprochés au salarié ont rendu indispensable une mesure conservatoire de mise à pied à effet immédiat, aucune sanction définitive relative à ces faits ne peut être prise sans que la procédure prévue à l'article L. 1332-2 ait été respectée.
Attendu  que seule la faute grave ou lourde justifie le prononcé d’une mise à pied conservatoire (cour de cassation du 27 septembre 2007 N°06-43.867)
 
Attendu qu'en l'espèce le conseil de prud'hommes de Nantes estime que Monsieur Madec n'a pas commis de faute, qu'il n'a pas perçu de salaire durant toute la mise à pied,
 
Qu'en conséquence, le conseil de prud'hommes de Nantes fixe la créance pour un  montant de  1322,56€ au titre du paiement de la mise à pied conservatoire, 132,56€ au titre de congés payés y afférents.
 
Sur le paiement du préavis
 
 Attendu que l'article 71 de la convention collective des industries de cartonnages prévoit en cas de licenciement un préavis d'un mois.
 
Que Monsieur Madec a été licencié pour faute grave, qu'il n'a pas perçu cette indemnité compensatrice de préavis
 
Attendu que Monsieur Madec a été embauché le 1er septembre 2008 et licencié le 20 mai 2009
 
Attendu que la Conseil de Prud'hommes de Nantes dit que le salaire brut moyen servant de base de calcul est de 1322,56€
 
 Le conseil de prud'hommes de Nantes fixe la créance pour un montant de 1322,56€ au titre d'indemnité compensatrice de préavis   et 132,26€ de congés payés y afférents
 
Sur les remboursements de frais de formation.
 
Attendu que le groupement d'employeur LIGER a édité une facture pour les remboursement de frais de déplacement de Monsieur Madec, demande adressé à l'OPCALIA organisme payeur
 
Que dans ses écrits la partie défenderesse prétend que ses frais de déplacements n'ont pas de fondement
 
Compte tenu de la régularisation déjà opéré par la société LIGER, le conseil de prud'hommes de Nantes évaluent à 1600 km la distance à rembourser soit 832 €
 
Sur la demande d'article 700 du code de procédure civile
 
Attendu que le conseil de prud'hommes de Nantes fait droit à la totalité des prétentions de la partie demanderesse et condamne la partie défenderesse aux dépens, il y lieu d'allouer à la partie défenderesse la somme de 950 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
 
Sur les intérêts au taux légal:
 
Attendu que les intérêts au taux légal sur les condamnations sont de droit mais qu'il y lieu de déterminer, en fonction de la nature des sommes allouées, la date à partir de laquelle ils doivent courir,
 
Que s'agissant des sommes à caractère salarial, il y lieu de les accorder à compter de leur date d'exigibilité;
 
Qu'en ce qui concerne les sommes à caractère indemnitaire, le conseil de prud'hommes de Nantes dit que les intérêts ne courront qu'à compter prononcé du présent jugement.
 
Attendu que la partie demanderesse sollicite le bénéfice des dispositions de l’article 1154 du Code civil ;
 
Le Conseil de Prud’hommes dit que les intérêts dus au moins pour une année entière produiront eux-mêmes intérêts.
 
 
 
Sur l'exécution provisoire de la décision à intervenir
 
La partie demanderesse ne sollicite pas l’exécution provisoire  de la présente décision
 
PAR CES MOTIFS
 
 
Le Conseil de Prud’hommes de Nantes,
 
Statuant publiquement, par jugement  contradictoire et en premier ressort,
 
Fixe la créance de  Monsieur Madec à l’encontre  l'AGS CGEA DE RENNES de    Maître Vincent DOLLEY liquidateur du groupement d'employeur LIGER aux sommes suivantes :
·        2000 € net au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
·        1322,56 € au titre du paiement de la mise pied conservatoire
·        132,25 € au titre des congés payés y afférents
·        1322,56 € au titre de l'indemnité de préavis
·        132,25 € au titre des congés payés y afférents
·        832 € au titre du remboursement des frais de formation
·        1350 € au titre des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
·        950 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
 
Lesdites condamnations étant assorties des intérêts au taux légal à compter de l'exigibilité concernant les salaires à compter du prononcé du jugement pour les sommes à caractère indemnitaire,lesdits intérêts produisant eux même des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil.
 
Dit que le salaire mensuel brut servant de base de calcul est de 1322,56 €
 
Déclare le présent jugement opposable à l’AGS et au CGEA de RENNES , son mandataire, dans les limites prévues par l’article L. 3253-8 du Code du travail,
 
Laisse les dépens à la charge de l'AGS et du CGEA de RENNES de  Maître DOLLEY liquidateur du groupement d'employeur LIGER.

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Note CR : La mise en liquidation judiciaire de Liger avait suscité beaucoup d'émotions dans le petit monde des groupements d'employeurs

Créée en 2007 à Ancenis, cette association de chefs d'entreprise a employé jusqu'à 70 salariés équivalents temps plein que les sociétés membres se partageaient en fonction de leurs besoins de compétences. Mais Liger accumulait les dettes, ce qui a finalement provoqué sa perte.
 

2 commentaires:

  1. Bonjour,

    un rebondissement de plus qui doit faire réagir les GE, voir mon article de 2009 dans le journal des entreprises. Isabelle Le Faucheur, présidente du CRGE Pays de la Loire

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