lundi 17 juin 2013

Le portage salarial légalisé et encadré : une alternative au groupement d'employeurs pour les cadres ?




Entrée en vigueur de l'accord de modernisation du marché du travail relatif au portage salarial signé le 24 juin 2010.


L'arrêté du 24 mai 2013, publié au journal officiel du 8 juin 2013, rend obligatoire à tous les employeurs et salariés intervenant dans le champ de l'activité de portage salarial, l'accord national professionnel du 24 juin 2010 relatif à l'activité de portage salarial.

Le portage salarial se caractérise par :

-une relation triangulaire entre une société de portage, une personne, le porté, et une entreprise cliente, dont la durée ne peut excéder 3 ans. L'activité de portage salarial est réservée aux entreprises de portage salarial qui ont souscrit une garantie financière (destinée à garantir le paiement des sommes dues au porté et le versement des cotisations sociales en cas de défaillance). Les entreprises de travail temporaire qui souhaitent exercer une activité de portage salarial pourront créer une filiale ;
-la prospection des clients et la négociation de la prestation et de son prix par le porté ;
-la fourniture des prestations par le porté à l'entreprise cliente ;
-la conclusion d'un contrat de prestation de service entre le client et la société de portage et la perception du prix de la prestation par la société de portage qui en reverse une partie au porté dans le cadre d'un contrat qualifié de contrat de travail. La démarche de portage salarial est à la seule initiative de la personne portée.
-La relation de portage salarial est organisée autour d'un contrat de prestation de service liant le client et l'entreprise de portage salarial ;
- la conclusion d'un contrat de travail à durée indéterminée, entre le salarié porté et l'entreprise de portage salarial.
-Les conditions d'exécution du travail ainsi que les questions liées à la santé et à la sécurité sur le site de travail du salarié porté sont de la responsabilité de l'entreprise cliente pendant la durée de la prestation (les dispositions relatives au cas de recours au CDD n'ont pas été étendues).

L'ANP du 24 juin 2010 (signé par la CGT !) tend à sécuriser la situation des portés tout en permettant aux entreprises de poursuivre leur activité dans les mêmes conditions avec des portés ayant le statut de cadre. L'accord organise l'activité de portage salarial, mais aussi clarifie et sécurise la situation des personnes portées (statut salarié, assurance chômage, etc.).

L'accord contient la liste des obligations qui s'imposent aux entreprises réalisant une prestation de portage salarial, mais aussi fixe le contenu et les obligations issues du contrat de travail de portage salarial. Notons aussi que l'accord contient des dispositions relatives à la convention de forfait en heures et à la convention de forfait annuel en jours, sachant que dernièrement la Cour de cassation a posé de strictes exigences quant à leur validité, dont il convient de tenir compte.


Encadrement de la rémunération et du temps de travail

Depuis la date de signature de l'accord en 2010, la rémunération minimale brute mensuelle hors indemnités pour un emploi à temps plein devait être pour un non cadre, la première année de 1.700 euros et la deuxième année de 1.800 euros.

Une rémunération minimale
Désormais, l'activité de portage salarial est réservée aux seuls cadres. Ils bénéficient d'une rémunération minimale hors indemnités fixée à 2.900 euros bruts mensuels pour un emploi à temps plein et des garanties en matière de prévoyance, retraite et formation professionnelle.

S'ajoutent une indemnité d'apport d'affaires de 5% incluant notamment les temps de préparation et de prospection et une prime de fin de contrat de 10% s'il s'agit d'un CDD.

Les frais de gestion imputés au salarié font l'objet d'une information au moins une fois par mois auprès de celui-ci.

Un temps de travail fixé par le contrat
Des conventions de forfait peuvent être prévues. En effet, si la personne portée est autonome dans la gestion de son temps de travail, le choix et l'organisation du temps de travail doivent faire l'objet d'une information de l'entreprise de portage et de l'entreprise cliente.

Le temps de travail est établi en fonction d'une convention de forfait en heures, dans la limite d'un forfait mensuel ou annuel d'une durée maximale de 173 heures par mois ou de 1.827 heures par an, ou d'une convention de forfait annuel en jours, dans la limite d'un plafond de 218 jours par année civile.

Convention de forfait en heures
Le texte prévoit que compte tenu de la nature des prestations à réaliser, les salariés portés peuvent ne pas être soumis à un horaire prédéterminé. En conséquence, il est mis en place, dans le cadre d'une convention individuelle, un forfait mensuel ou annuel d'une durée maximale de 173 heures par mois ou 1.827 heures par an.

Lorsqu'une convention de forfait heures a été conclue avec un salarié porté, la rémunération afférente au forfait intègre les majorations pour heures supplémentaires prévues à l'article L3121-22 du Code du travail. En début de mois, les salariés portés devront remettre à l'entreprise de portage salarial, un relevé des heures accomplies au cours du mois précédent. Ce relevé, établi par auto-déclaration, devra en particulier mentionner les durées quotidiennes et hebdomadaires de travail réalisées par le salarié porté. Ce relevé sera établi par le salarié porté et validé par l'entreprise de portage salarial.

Convention de forfait annuel en jours
Des conventions de forfait annuel en jours peuvent être établies dans la limite d'un plafond de 218 jours par année civile. Ce type de convention concerne les cadres qui, en raison des conditions d'exercice de leurs fonctions, disposent d'un degré élevé d'autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et ne peuvent être soumis de ce fait à un encadrement ni à un contrôle des heures de travail qu'ils effectuent. Ces cadres bénéficient d'une rémunération forfaitaire, en contrepartie de l'exercice de leur prestation. Leur temps de travail est décompté en nombre de jours (ou demi-journées) de travail effectif, dans les conditions prévues ci-dessous.

Ce forfait peut être dépassé à la demande du salarié porté, après accord de l'entreprise de portage salarial. Le nombre de jours travaillés dans l'année ne peut dépasser 223 jours. La rémunération de ces journées supplémentaires (de la 219ème à la 223ème journée) est majorée de 50%.

Les jours de repos sont pris par journée entière ou demi-journée, à l'initiative du salarié porté.

Compte tenu de la spécificité de cette catégorie de salariés et de l'absence d'encadrement horaire de leur temps de travail, le décompte des jours ou demi-journées de travail et de repos est suivi par un document établi par le salarié porté et validé par l'entreprise de portage salarial.

L'entreprise de portage salarial est tenue de mettre en place des modalités de contrôle du nombre de journées ou demi-journées travaillées par l'établissement d'un document récapitulatif faisant en outre apparaître la qualification des jours de repos en repos hebdomadaire, congés payés et, le cas échéant, congés divers.

Les cadres dont le temps de travail est ainsi décompté dans le cadre d'un forfait jours doivent bénéficier d'un repos minimum de 11 heures entre deux journées de travail, ainsi que des dispositions légales en matière de repos hebdomadaire. Le respect de ces dispositions est vérifié dans le dispositif auto-déclaratif.

Prévoyance, retraite et formation professionnelle
Les dispositions en matière de régime de prévoyance, de retraite, et de formation professionnelle feront l'objet d'un comparatif entre ceux existant dans les entreprises de portage et ceux élaborés par la branche du travail temporaire afin de retenir les meilleures garanties pour les personnes portées.

La diversité des lieux de travail, la mobilité professionnelle, et l'alternance des durées travaillées et non-travaillées expliquent la relative complexité de la mise en oeuvre de ces régimes.


Des conditions de recours encadrées
Une entreprise ne peut recourir au portage salarial que pour "des tâches occasionnelles ne relevant pas de son activité normale et permanente" ou pour "des tâches ponctuelles nécessitant une expertise dont elle ne dispose pas en interne".

Les parties à la relation de portage salarial
La personne portée a le statut cadre est à l'origine de la prestation qu'elle a effectuée pour le compte de l'entreprise cliente dispose d'un niveau d'expertise et de qualification tel qu'il s'accompagne d'une autonomie dans la négociation et l'exécution de la prestation
s'engage vis-à-vis de l'entreprise cliente à mener à son terme la prestation de service, et vis-à-vis de l'entreprise de portage salarial à fournir les éléments nécessaires à l'établissement d'un contrat de travail en portage salarial et d'un contrat de prestation de service, le bulletin de paie correspondant à la prestation réalisée ainsi qu'à lui transmettre régulièrement un compte-rendu d'activité.

L'entreprise de portage salarial
Elle s'engage à établir le contrat de travail en portage salarial et à accomplir les formalités administratives et les déclarations sociales nécessaires.
Elle assure la gestion administrative de la relation entre personne portée et entreprise cliente et facture la prestation selon les termes convenus par ceux-ci.
L'entreprise de portage salarial n'est en aucun cas propriétaire de la clientèle apportée par la personne portée.
Enfin, l'activité de portage salarial est une activité exclusive des entreprises de portage salarial.

L'entreprise cliente
Elle ne peut recourir au portage salarial que pour des tâches occasionnelles ne relevant pas de son activité normale et permanente ou des tâches ponctuelles nécessitant une expertise dont elle ne dispose pas en interne.
Elle négocie avec la personne portée les conditions et le prix de la prestation et conclut un contrat de prestation de service.
Elle est réputée avoir vérifié et validé les compétences de la personne portée et s'assure de la réalisation dans les meilleures conditions de la prestation confiée.


La relation contractuelle
Le contrat de travail en portage salarial
Un contrat de travail est conclu entre l'entreprise de portage et la personne portée :

il s'agit d'un contrat de travail à durée indéterminée conclu pour la réalisation d'une ou de plusieurs prestations de portage salarial ;
il permet de répondre à la situation de salariés portés réalisant simultanément et/ou successivement plusieurs prestations de portage salarial sur une longue période ;
l'entreprise de portage salarial est tenue de réaliser un accompagnement de ce dernier pour lui permettre d'assurer un développement de ses prestations de nature à favoriser une pérennité de la relation contractuelle, sans que cet accompagnement ne puisse avoir pour effet de remettre en cause le caractère impératif de l'apport de la prestation par le salarié porté ;
le salarié porté doit assurer une prospection active de clients ;
l'entreprise de portage salarial est tenue d'établir, pour chaque prestation de portage salarial, un avenant au contrat à durée indéterminée, reprenant les éléments essentiels du contrat initial modifiés par chaque nouvelle prestation tels que les modalités de réalisation et la durée de la prestation, le temps de travail et le montant de la rémunération.
Le contrat de prestation de service de portage salarial
Il est conclu entre l'entreprise de portage salarial et l'entreprise cliente un contrat de prestation de service. Il détaille le domaine d'expertise de la personne portée, définit la durée prévisible de la prestation, son coût tel que négocié avec la personne portée et précise le nom du garant financier de l'entreprise de portage.

Le contrat de prestation de service de portage salarial, contrat de nature commerciale, comporte les mentions suivantes :

  • l'identité du salarié porté ;
  • le descriptif de la prestation à réaliser ;
  • la durée prévisible de la prestation ;
  • le coût de la réalisation de la prestation tel que négocié par le salarié porté ;
  • la nature des équipements de protection individuelle mis à disposition par le client lorsqu'ils sont nécessaires à la réalisation de la prestation ;
  • le nom du garant financier de l'entreprise de portage salarial ;
  • les modalités de facturation de la prestation entre l'entreprise de portage et le client ;
  • les responsabilités respectives de l'entreprise de portage salarial et du client dans l'éventualité de la cessation de la prestation, sans qu'il y ait une cause à cette interruption, avant la réalisation de l'objet pour lequel le contrat est conclu.

3 commentaires:

  1. Bonjour,

    Il est très important de préciser que la posture de la compétence qui intervient est différente selon le support qu'elle empreinte :

    > Portage Salarial : posture d'intervenant indépendant, consultant extérieur (le Portage Salarial est souvent l'antichambre de sa propre activité en EURL, SARL, ... )
    Le texte souligne qu'il doit s'agir d'une mission "one shot"

    > Temps partagé par le biais d'un Groupement d'Employeurs : posture salariée
    Le collaborateur mis à disposition intervient sur le long terme au prorata du besoin de l'entreprise.

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  2. Mais il existe des cadres, notamment des seniors, qui sont en portage salarial et qui ont plusieurs "clients" dans lesquels ils partagent leur temps de travail.
    C'est exactement comme dans un groupement d'employeurs.
    D'ailleurs force est de constater que les cadres en temps partagé dans les groupements d'employeurs sont souvent très actifs pour rechercher eux même de nouvelles mise à disposition de leurs compétences...comme dans une société de portage...

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  3. Personellement je trouve que la révision de la loi est une bonne chose et la limitation au cadre essentielle. par cotnre le Gap entre le portage salarial et l'autoentrepreneur laisse un trou béant...

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