jeudi 3 octobre 2013

Quand la sous-traitance masque de la mise à disposition de personnel : l'exemple de la condamnation d'ONET



La société ONET s'est rapidement développée (57000 salariés en 2012 ces dernières années et son personnel occupe des postes qui relevait précédemment d'autres employeurs.
Une logique de sous traitance poussée à l'extrême qui tient plus de la mise à disposition du personnel.
La Cour d'Appel vient de Grenoble vient de juger une affaire importante qui pose les principe de la définition d'une réelle sous traitance, d'une part et  revient sur le statut social des salariés, d'autre part.

On voit bien que la mise à disposition par les groupements d'employeurs ou les sociétés de travail temporaire apporte désormais beaucoup plus de sécurité aux employeurs que ces formes de sous traitance "de placement".
Une décision qui intéressera particulièrement les Groupement d'Employeurs du secteur de la Propreté....

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La cour d'appel de Grenoble reconnaît un prêt de main d'oeuvre illicite dans un contrat de prestation de service

 La cour d'appel de Grenoble (Isère) retient l'existence d'un prêt de main d'oeuvre illicite dans la mise à disposition d'un salarié dans le cadre d'une prestation de service fournie par une entreprise de nettoyage à une société industrielle. Les juges d'appel constatent, le 27 juin 2013, que le salarié occupe un emploi en lien direct avec la production, lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice, et indispensable au fonctionnement de celle-ci, que l'activité exercée ne procède pas de nouvelles obligations, et que le prestataire n'apporte ni compétence ni matériel spécifique. Pour la cour d'appel, la société utilisatrice a « réalisé une économie très importante du fait du recours à la convention de prestation de service et en n'utilisant plus ses propres salariés qui avaient une ancienneté très importante et lui coûtaient plus cher que la prestation convenue ».

La cour d'appel de Grenoble (Isère) retient dans un arrêt du 27 juin 2013 l'existence d'un prêt de main d'oeuvre illicite dans la mise à disposition d'un salarié par une entreprise de nettoyage à une entreprise de la métallurgie dans le cadre d'une prestation de services.

L'article L. 8231-1 du code du travail interdit le marchandage « qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu'elle concerne ou d'éluder l'application de dispositions légales ou de stipulations d'une convention ou d'un accord collectif de travail ». Aux termes de l'article L. 8241-1 du code du travail, « Toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d'oeuvre est interdite ». 

Dans cette affaire, un salarié est engagé en CDI en qualité d'agent de propreté par la société Onet, puis affecté sur le site de la société SNR roulements pour y exercer l'activité de nettoyage et de tri des copeaux d'un atelier d'usinage. Il saisit en février 2005 la justice d'une demande de requalification d'employeur, estimant que le contrat passé entre les deux sociétés constitue un prêt de main d'oeuvre illicite et non un contrat de sous-traitance. 

TECHNICITÉ RELEVANT DE LA SPÉCIFICITÉ DE L'ENTREPRISE PRÊTEUSE

Une première cour d'appel le déboute de sa demande, avant d'être censurée par la Cour de cassation. Cette dernière rappelle que « le prêt de main-d'oeuvre illicite est caractérisé, si la convention a pour objet exclusif la fourniture de main-d'oeuvre moyennant rémunération sans transmission d'un savoir-faire ou mise en oeuvre d'une technicité qui relève de la spécificité propre de l'entreprise prêteuse » (Cass. soc., 3 mai 2012, n° 10-27.138). La haute juridiction retient que la cour d'appel aurait dû « rechercher, d'une part, si le poste occupé par le salarié en qualité d'agent de propreté relevait d'une technicité spécifique qui ne pouvait être confiée à un salarié de l'entreprise utilisatrice alors qu'il était précédemment occupé par un salarié de la société SNR et, d'autre part, si la rémunération de la société Onet prenait en compte le coût de la main d'oeuvre sans les charges financières correspondant aux primes conventionnelles et charges sociales que la société SNR aurait dû payer si elle avait continué à utiliser des salariés de son entreprise ». 

L'affaire est renvoyée devant la cour d'appel de Grenoble, qui donne raison au salarié. Les juges d'appel rappellent que le prêt de main d'oeuvre est autorisé dans le cadre d'un « contrat de prestation de services passé entre deux sociétés, qui vise à faire exécuter une tâche temporaire clairement définie, par le recours à la main d'oeuvre et aux moyens et matériels techniques mis à disposition de la société prestataire qui conserve toute autorité sur le personnel ». En outre, un tel contrat est licite « si la société prestataire dispose d'une connaissance spécifique du domaine dans lequel elle est appelée à intervenir, une capacité d'organisation et de management reconnu, qu'elle encadre les salariés sur lesquels elle a autorité et qu'elle rémunère forfaitairement », ajoutent les juges d'appel. Enfin, « la technicité de l'entreprise utilisatrice doit relever d'une activité propre à la société sous-traitante ».

POSTE LIÉ À L'ACTIVITÉ NORMALE ET PERMANENTE DE L'ENTREPRISE

Pour la cour d'appel de Grenoble, ces éléments ne sont pas réunis dans cette affaire. Les juges relèvent que l'activité du salarié, « préalablement exécutée par les salariés de la société SNR », est « indispensable » au fonctionnement de cette dernière. En effet, « un retard ou un dysfonctionnement avait une incidence sur la chaîne d'activité ». Ils constatent « la liaison étroite entre chaque chaîne de fabrication et la chaîne de traitement des déchets », et notent que « l'ensemble du matériel utilisé pour le traitement des déchets appartient à la SNR ». Il n'est en outre « pas démontré que cette tâche, une fois confiée à la société Onet, ait évolué, se soit modifiée, ait requis une nouvelle technicité, un savoir-faire particulier », estiment les juges d'appel. À cet égard, la société SNR « ne démontre pas que la réglementation lui aurait nouvellement imposé des obligations auxquelles elle ne pouvait faire face ».

De surcroît, selon la cour d'appel, la tâche « n'est pas temporaire, puisque le salarié occupait un poste lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise et que son activité était directement liée au processus de fabrication dont il était l'un des éléments de traitement des déchets ne relevant manifestement pas de la seule propreté ». Sa fiche de poste « décrit à l'évidence un emploi industriel, en lien direct avec la production et donc nécessairement subordonné à l'activité de production ». 

PRÊT DE PERSONNEL NON JUSTIFIÉ

Enfin, les juges d'appel considèrent que la société utilisatrice « a à l'évidence réalisé une économie du fait du recours à la convention de prestation de services et en n'utilisant plus ses propres salariés qui avaient une ancienneté très importante et lui coûtaient plus cher que le montant de la prestation convenue ». En conséquence, « tant la société SNR que la société ONET ont donc réalisé l'opération à but lucratif prohibée » par l'article L. 8241-1 « du code du travail ». En effet, « le prêt de personnel ne se justifiait pas par la nature du contrat qui liait les deux entreprises ». 

La cour d'appel condamne l'entreprise utilisatrice à verser 10 000 euros au salarié en réparation de son préjudice. Celui-ci consiste notamment dans le fait que le salarié a été privé « du statut social qui aurait été le sien si l'entreprise utilisatrice l'avait employé directement », du « statut de salarié permanent », du bénéfice de la convention collective correspondant à son emploi réel, du bénéfice des oeuvres sociales de l'entreprise, de la possibilité de participer aux institutions représentatives du personne », de la prise en compte de « l'ancienneté acquise », détaille la cour d'appel. 

Cour d'appel de Grenoble, 27 juin 2013

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