vendredi 17 janvier 2014

Assurance-chômage : les droits des chômeurs vont-ils diminuer ?


Alors que le nombre de chômeurs n'a jamais été aussi élevé en France, syndicats et patronat se retrouvent à partir de vendredi 17 janvier pour renégocier les règles de l'assurance-chômage. Une échéance cruciale pour les 2,3 millions de chômeurs qui perçoivent des allocations, d'autant que la situation financière de l'Unedic, l'organisme gestionnaire du système, est particulièrement inquiétante : après cinq ans de crise, elle affiche une dette de près de 18 milliards d'euros, et prévoit de perdre encore 4,3 milliards en 2014.

Mais si les caisses sont vides, ni les syndicats ni l'Etat ne veulent diminuer les droits des chômeurs. « Si l'Unedic est en déficit, c'est justement parce que le chômage est élevé. Les demandeurs d'emploi n'en sont pas responsables », a justifié début janvier, dans une tribune à L'Humanité dimanche, Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT. « Assumons le déficit, abonde Stéphane Lardy, chef de file de FO. Les inscriptions à Pôle emploi sont à un niveau record, on verra dans deux ans s'il y a une amélioration de la situation économique. »
« Ce n'est pas à un moment où il y a un taux de chômage élevé qu'il faut réduire les droits des chômeurs », a également averti François Hollande lors de sa conférence de presse du 14 janvier. L'Etat a toutefois inscrit dans son budget une réduction de 300 millions d'euros du déficit de l'Unedic en 2013, ce qui nécessite forcément de prendre des décisions.


Même le patronat s'apprête à rentrer dans la négociation avec la plus grande prudence. Après en avoir fait un point de son programme pour l'élection, Pierre Gattaz, le président du Medef, ne parle plus d'un retour de la dégressivité des allocations – qui baisseraient au fur et à mesure de la durée au chômage. « Il faut inciter à l'emploi », a simplement plaidé mercredi 15 janvier le patron des patrons, en refusant d'en dire plus. « La situation est compliquée avec les élections municipales, il vaut mieux être prudent », justifie un responsable patronal. Les négociations devraient aboutir en mars, au cœur de la campagne.

Un système trop généreux ?

Les règles de base du chômage – ouverture des droits après un minimum de quatre mois travaillés, un jour d'indemnisation pour un jour travaillé dans la limite de deux années – ne devraient pas changer en profondeur. La Cour des comptes avait pourtant jugé, dans un rapport publié en janvier 2013, que les indemnités chômage étaient trop généreuses, notamment pour les cadres. Le niveau d'indemnité maximale (6 161,29 euros) est le plus élevé d'Europe et le taux de remplacement (niveau d'allocation par rapport au salaire) serait trop haut pour les plus riches, estime notamment la Cour.

« Le débat sur la générosité est un faux débat », avertit toutefois l'économiste Bruno Coquet, auteur de Assurance-chômage, une politique malmenée (L'Harmattan, 230 p., 23 euros) : « On a intérêt à augmenter la durée d'indemnisation quand la conjoncture va mal, quitte à ajuster ensuite quand la situation s'améliore. » Selon lui, la dégressivité des allocations n'a pas fait la preuve de son efficacité sur le retour à l'emploi des chômeurs. « La seule étude empirique existante conclut qu'elle aurait ralenti le retour à l'emploi. Il me semble très risqué de faire baisser les allocations de tous les chômeurs pour un bénéfice aussi aléatoire et concentré sur une extrême minorité de chômeurs », estime-t-il.

Intermittents et intérimaires : le tabou

Le sujet est explosif. A eux seuls, les régimes spécifiques des intermittents du spectacle et des intérimaires, qui bénéficient de règles d'indemnisation plus généreuses, sont responsables de plus de la moitié du déficit de l'Unedic. Ces régimes permettent de cumuler plus facilement activité réduite et périodes de chômage. Si la Cour des comptes appelle régulièrement à revoir le dispositif, il n'a pour l'instant été modifié qu'à la marge.

En 2003, une tentative de réforme avait conduit à un mouvement d'ampleur dans le milieu du spectacle. Echaudés, les négociateurs ne semblent pas vouloir aborder le sujet.

Un système trop complexe et désincitatif ?

A défaut de vouloir faire changer les grandes variables, les négociateurs devraient se pencher sur tous les petits détails qui empoisonnent la vie des chômeurs, au premier rang desquels les règles de cumul des allocations et d'une activité réduite, presque incompréhensibles aujourd'hui. « Il faut simplifier le système pour tous les salariés atypiques en CDD, en intérim ou à temps partiel pour leur assurer une continuité de droits et de revenu », défend Jacques-Henri Vandaele, président du Mouvement national des chômeurs et précaires.

La direction de Pôle emploi a elle-même demandé à l'Unedic de simplifier les règles, que ses conseillers ont souvent du mal maîtriser. Mais les syndicats sont très prudents sur le sujet. « Il faut que les règles soient simples et compréhensibles par les demandeurs d'emploi. Mais à chaque fois qu'on parle de simplification, se cache la remise en cause des droits existants », redoute Eric Aubin, le négociateur de la CGT.

Les négociations devraient au final se concentrer sur la création de « droits rechargeables », qui, sur le papier, doivent permettre aux chômeurs d'être certains de ne pas perdre de droits, même lorsqu'ils reprennent une activité pour une brève période. Problème : cette mesure pourrait aggraver encore un peu plus le déficit de l'Unedic.

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