dimanche 6 juillet 2014

Conférence sociale : la contribution du collectif Alerte et du CNCE-GEIQ


Le collectif Alerte, composé de 38 associations et fédérations nationales de lutte contre la pauvreté et l’exclusion (Emmaüs, Croix Rouge, Armée du Salut, Secours Catholique, ATD Quart Monde, etc...) s’associe au CNCE-GEIQ  pour publier une contribution à la Conférence sociale qui se tiendra les 7 et 8 juillet 2014. Ils y demandent que l’adoption d’un accord national interprofessionnel pour l’intégration des demandeurs d’emploi de longue durée serve de pivot à une mobilisation collective d’envergure.

Un Accord National Interprofessionnel pour l’intégration des demandeurs d’emploi de longue durée

« Aujourd’hui, près de 5 millions de personnes sont privées, totalement ou partiellement, d’emploi en France. Une privation insupportable, inefficace pour les personnes comme pour l’économie française, qui se prive elle-même de compétences et essaie de réparer a posteriori les dégâts sociaux par des politiques de protection sociale intervenant souvent trop tard. La situation est d’autant plus dramatique qu’elle frappe particulièrement la jeunesse de notre pays, affligée d’un taux de pauvreté et de chômage effarant. Comment envisager pour notre pays un avenir radieux, fondé sur un sentiment de justice et d’égalité des chances comme sur la compétitivité économique, quand la jeunesse, future main d’œuvre, est à ce point précarisée ?
Rapprocher chômeurs de longue durée et entreprise
Notre expérience le démontre : on ne se relève pas comme cela de la précarité, des années de difficulté, du manque de revenus et des déficits d’expérience professionnelle et de diplômes. Comment retrouver en effet un emploi si on ne peut se loger, se vêtir, s’alimenter correctement, se déplacer ? Comment devant un employeur demandant compétence et expérience professionnelle, retrouver un emploi quand on sort du système scolaire sans qualification ou lorsqu’on est en dehors du marché du travail depuis trop longtemps ?
Pour lutter contre le chômage de longue durée, il faut soutenir le développement économique des entreprises, lucratives comme non lucratives. Mais il faut aussi créer les conditions d’une embauche par l’entreprise des personnes vivant le chômage de longue durée. Les entreprises ont besoin d’intégrer des compétences nouvelles, d’origines diverses, en correspondance avec leur stratégie de développement et leurs besoins en recrutement, parfois toujours non pourvus malgré la présence de nombreux demandeurs d’emploi. Acteurs de l’insertion, nous le constatons amèrement depuis de longues années : malgré leurs compétences, malgré l’accompagnement qui leur a été proposé, les personnes en parcours d’insertion se heurtent bien souvent à un plafond de verre au moment d’aborder l’entreprise.
Le secteur de l’insertion doit se situer à ce carrefour entre entreprise et personne éloignée de l’emploi. Accompagner et la personne en précarité et l’entreprise souhaitant la recruter est aujourd’hui impératif pour lutter durablement contre le chômage. Une attention très particulière doit être portée dans ce cadre à la situation des personnes handicapées, qui connaissent un taux de chômage trois fois supérieur à la moyenne.
Des solutions existent et ont fait la preuve de leur réussite : développons les !
Associations et entreprises, nous développons depuis plusieurs décennies différentes solutions s’inscrivant dans ce cadre, s’appuyant sur le travail, l’accompagnement des personnes et des employeurs, et la formation, notamment en alternance. Comme le prouvent les exemples annexés à cette contribution, nous nous mettons au service des territoires, créant partenariats et activités pour répondre aux besoins des demandeurs d’emploi comme des entreprises.
Pour donner à ces outils toute leur ampleur au service de l’insertion professionnelle et de la compétitivité de nos territoires, la coopération autour des parcours de formation et d’insertion des personnes mais aussi autour de la création d’emploi est indispensable. Un accord national interprofessionnel pour l’intégration des demandeurs d’emploi de longue durée, intégrant les travailleurs handicapés, doit être lancé et être le pivot d’une mobilisation collective d’envergure. Les mesures suivantes pourraient y figurer.

• Renforcer les moyens de formation des demandeurs d’emploi de longue durée et des personnes en parcours d’insertion

La formation joue un rôle majeur dans l’accès à l’emploi ; il est donc capital que les demandeurs d’emploi de longue durée bénéficient d’un accès renforcé à la formation. L’accompagnement des démarches de formation des personnes que les structures de l’Insertion par l’activité économique et les Groupements d’employeurs pour l’insertion et la qualification (GEIQ) recrutent, sont des garanties d’efficacité de la formation. Celle-ci n’est en effet pas imposée aux personnes mais bien travaillée avec elles, en conformité avec leurs projets professionnels et selon une pédagogie adaptée. Pour mieux former les personnes sans emploi, il faut exploiter ces outils et plus largement, réorienter massivement des crédits vers l’accès à la formation des demandeurs d’emploi de longue durée :

1. En abondant fortement le compte personnel de formation des demandeurs d’emploi de longue durée, également celui des jeunes décrocheurs, et construisant avec les acteurs d’accompagnement socioprofessionnel, dont l’IAE et les GEIQ, l’offre de conseil en évolution professionnelle. Pour que les demandeurs d’emploi de longue durée puissent en effet réellement utiliser leur compte personnel de formation, cette offre de conseil, prévue par la loi, doit être adaptée et accessible à des personnes peu qualifiées.

2. En abondant spécifiquement le compte personnel de formation pour les personnes en parcours d’insertion dans l’IAE, les GEIQ et les structures du handicap, et plus largement pour les salariés à temps partiel subi. Les salariés en parcours d’insertion restant en demande d’emploi, ils doivent aussi être expressément éligibles aux abondements du compte personnel de formation pour les demandeurs d’emploi.

3. En orientant fortement les crédits du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels vers le financement des actions de formation prévues dans le cadre de parcours d’insertion : emplois d’avenir, contrats aidés, contrats dans l’IAE et le handicap, contrats de professionnalisation.

4. En développant significativement l’apprentissage, en le rendant accessible aux demandeurs d’emploi de longue durée. Cela nécessite d’étudier les conditions de rémunération de la personne, la gratification du statut d’apprenti n’incitant pas, a fortiori un demandeur d’emploi de longue durée, à s’engager dans la démarche.

5. En revalorisant le financement de l’accompagnement à la formation qualifiante déployé par les GEIQ dans le cadre des contrats de professionnalisation, en soutenant plus largement les acteurs associatifs accompagnant vers la formation professionnelle les demandeurs d’emploi de longue durée.

6. En fixant aux instances en charge des politiques de formation professionnelle un objectif d’évaluation de l’accès à la formation des demandeurs d’emploi de longue durée, des travailleurs handicapés et des personnes en parcours d’insertion.

7. En soutenant des parcours de formation intégrant des phases de professionnalisation, de préqualification et, en amont, de formation aux compétences clés, dans une logique de progression vers la qualification.

Promouvoir les partenariats entre entreprises et acteurs de l’insertion pour l’intégration durable de demandeurs d’emploi en entreprise:

Les solutions développées par le secteur de l’insertion autour de la mise en relation des personnes sans emploi et des entreprises et de leur accompagnement sur le poste de travail doivent être mieux connues et mobilisées. Nous proposons les mesures suivantes :

8. La définition par les branches professionnelles d’objectifs de nombre de périodes de mise en situation en milieu professionnel à réaliser chaque année et un soutien financier aux structures pouvant les mettre en œuvre. Ces périodes sont un moyen de vérifier l’adéquation entre le projet professionnel, les compétences de la personne et les besoins de l’employeur.

9. La définition par les branches professionnelles d’objectifs de création de partenariats avec des services travaillant sur l’identification des besoins en recrutement des entreprises, la mise en relation avec des candidats et le suivi dans l’emploi. Ces services peuvent être assumés par le service public de l’emploi comme par des opérateurs associatifs. Il faut aussi former davantage de conseillers du service public de l’emploi à ces méthodes et soutenir financièrement les associations les déployant.

10. Un recours accru aux mécanismes de suspension de contrats aidés et de contrats d’insertion dans l’IAE, pour inciter la personne à tenter sa chance en entreprise en lui proposant ainsi de reprendre son contrat chez son employeur initial si l’expérience en entreprise ne débouche pas sur un contrat de longue durée. Pour renforcer l’efficacité de ces actions, la structure d’insertion doit être financée pour accompagner la personne au sein de l’entreprise. Ça n’est pas possible aujourd’hui, les financements étant liés au fait de rémunérer la personne, un fait que la suspension de contrat pour des missions d’intérim ou des CDD de courte durée suspend. Le tutorat dans l’entreprise doit également être financé.

11. L’adoption de mesures simples pour intégrer les personnes les plus fragiles dans ces parcours, au sein des structures d’IAE notamment. Cela implique la possibilité de dépasser la contrainte de durée d’agrément IAE de 2 ans si la situation de la personne le justifie. Cela implique aussi une meilleure évaluation de l’action des structures IAE, en observant davantage les moyens qu’elles mettent en œuvre pour l’insertion des personnes que les résultats d’accès à l’emploi.

12. Un développement quantitatif des moyens d’insertion : postes d’insertion dans l’Insertion par l’activité économique, des postes dans les structures du handicap et, pour les entreprises et les branches professionnelles s’engageant fortement, un développement des contrats aidés permettant le financement du tutorat et de l’accompagnement social, dans une logique d’emploi de transition vers l’emploi durable.

13. Le développement du volume de clauses sociales dans les marchés publics, en favorisant l’utilisation de l’article 53 pour construire des parcours d’insertion de qualité (le contenu de l’accompagnement socioprofessionnel et de la formation proposé à la personne en insertion mise au travail devenant un critère d’évaluation de l’offre).

14. L’incitation des entreprises à adopter des schémas d’achat privé responsables, sous la forme de recrutement de personnes en insertion pour réaliser des travaux ou de sous-traitance confiée à des structures d’insertion. Dans ce dernier cas, soutenir l’expérimentation de SIAE constituée comme équipe de production d’une entreprise, pour favoriser la mixité des salariés et recentrer la SIAE autour de l’encadrement et de l’accompagnement socioprofessionnel, les fonctions support et commerciales étant assurées par l’entreprise.

15. L’expérimentation de projets de gestion territoriale de l’emploi et des compétences portés par des acteurs de l’insertion pour définir, à partir des besoins en emploi et compétences des entreprises d’un bassin d’emploi, les programmes de formation nécessaires au positionnement sur ces emplois des demandeurs d’emploi de longue durée.

• Soutenir des initiatives créant de l’emploi durable

Les acteurs de l’insertion ont démontré depuis de longues années leur capacité à accompagner vers l’emploi mais aussi à créer de l’emploi durable. Ainsi, Emmaüs France, a créé en 2012 près de 400 CDI dans ses entreprises. Récemment, le développement des pôles territoriaux de coopération économique (PTCE) a enclenché une dynamique collective, réunissant secteur non lucratif et secteur lucratif autour d’un objectif : la création d’emplois.

Nous proposons :

16. L’évaluation des conditions de réussite de la création d’emplois pérennes par des structures d’insertion ; à partir de cette évaluation, développement d’actions d’appui à cette création voire l’expérimentation d’un financement dégressif pour stabiliser les postes, sur le modèle des entreprises d’insertion belges.

17. L’élaboration de politiques publiques pour le développement de l’Économie Sociale et Solidaire, au service de la sécurisation de parcours professionnels et de la création d’activités, via des financements d’investissement variés, des appels à projet ciblés et un plein accès aux aides prévues pour soutenir la création d’emploi dans les entreprises lucratives (notamment en adaptant la taxe sur les salaires pour fournir aux structures non lucratives la même aide que ce qu’apporte le CICE aux entreprises lucratives).

18. Le renouvellement de l’appel à projet national PTCE. Le financement d’expérimentations nationales proposées par des réseaux de l’IAE et de la solidarité, sur la formation à de nouvelles méthodes d’accompagnement socioprofessionnel, l’accompagnement à l’emploi de publics ciblés, la création d’activités d’utilité sociale, et plus largement, la réflexion pour éliminer le chômage de longue durée sur un territoire en proposant à tous un emploi adapté à ses capacités et aux besoins sociaux non satisfaits. »

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Note CR: L'essentiel des revendications est orienté vers le soutien financier direct ou indirect du secteur de l'Insertion par l'Activité Economique (auquel s'associe le CNCE GEIQ), dont les crédits ne cessent de s'amenuiser dans le contexte budgétaire actuel très contraint de l'Etat.

Le gouvernement entendra t-il ces demandes qui n'émanent pas des partenaires sociaux ? Suite après la Conférence...

Pour en savoir plus, ci-après l'annexe qu'a produit ce collectif à sa contribution

1 commentaire:

  1. Si j'ai bien compris aucune de ces demandes n'a été reprise par le gouvernement ?

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