jeudi 18 avril 2013

Dernière ligne droite pour le nouveau "CDI Intérimaires": la menace d'une nouvelle concurrence se rapproche pour bon nombre de Groupements d'Employeurs



Les syndicats et le patronat du secteur de l'intérim se sont accordés vendredi 5 avril sur les grands principes d'un futur contrat à durée indéterminée (CDI) pour les intérimaires, à l'issue d'une deuxième séance de négociations.


Ce nouveau contrat doit permettre aux grandes entreprises du secteur d'échapper au renchérissement des cotisations chômage sur les contrats courts, prévu par l'accord sur l'emploi du 11 janvier.
L'organisation patronale Prisme, qui regroupe la quasi-totalité du secteur et les cinq syndicats (USI-CGT, FO, CFDT, CFE-CGC et CFTC) ont pour la première fois débattu sur la base d'un document (rédigé comme de coutume par le patronat). "Tout n'a pas été réglé, mais, sur les grands principes, il y a un quasi-consensus", estimait à l'issue de la réunion François Roux, le délégué général de Prisme (en photo ci-dessous).





UNE RÉMUNÉRATION AU MOINS ÉGALE AUX SALARIÉS ÉQUIVALENTS
Les grands "axes" ou "principes" sont les suivants : pas de caractère automatique, CDI de droit commun (avec des adaptations restant à définir, mais pas une nouvelle forme de contrat) et rémunération au moins égale à celle perçue par un salarié de même qualification de l'entreprise. Les agences d'intérim prendront à leur charge les périodes entre deux contrats, qui pourront donner lieu à des prises de congés ou à une phase de formation, affirme par ailleurs le texte patronal.
En "contrepartie" de la liberté laissée aux agences de choisir les intérimaires accessibles au CDI, la CFDT demande des "objectifs de recrutement fixés par branche et par entreprise" et une "transparence" sur les critères afin de limiter le risque de "discriminations".
"Sur quels critères [se fera le choix] ?", interrogeait pour sa part André Fadda (USI-CGT), selon qui "l'intérimaire doit pouvoir demander un CDI". Pour le représentant CGT, "il faut mettre un certain nombre de verrous pour que les salariés ne soient pas mis en concurrence". Le premier syndicat, entré à reculons dans la négociation, craint "un CDI au rabais".
Dans cette négociation ouverte le 1er mars, le patronat espère aboutir à un accord le 28 juin, après trois autres séances plénières, programmées pour les 19 avril, 31 mai et 14 juin.


Si les contrats d’intérim ont échappé aux cotisations chômage alourdies, c’est en échange de l’engagement de la branche de créer un CDI pour l’intérim. Les plus optimistes prévoient les premiers contrats pour janvier 2014, le temps que la négociation aboutisse et que l’accord soit transféré dans la loi.
Quel impact peut-on en attendre ? Le président du Prisme, le syndicat professionnel des entreprises du secteur, Arnaud de la Tour, estime « entre 5 et 10% de l’effectif intérimaire »les personnes potentiellement concernées. « Un chiffre observé dans les pays européens où ce contrat de travail existe déjà », précise-t-il. Une proportion reprise en boucle par les majors de l’intérim. Soit, au mieux, la création de 50 000 nouveaux CDI environ. Volontariste et supporter de la première heure de la mesure, François Béharel, le président de Randstad, monte jusqu’à 60 000 CDI, estimant que le marché normal de l’intérim est à 600 000 équivalents temps plein.

Prudent, Adecco, le leader du secteur, promet la création de 10 000 CDI dans les 12 à 24 mois suivant la promulgation du nouveau contrat. Alain Roumilhac, le président de ManpowerGroup France, en promet entre 4 000 et 8 000. Quand on lui fait remarquer que c’est peu, il rétorque que « c’est plus que la création d’une ETI (entreprise de taille intermédiaire) ». Pour les intérimaires, c’est une bonne nouvelle, avec un accès plus facile au crédit ou au logement, l’un des points noirs de leur statut malgré les efforts de la profession.

DES INTÉRIMAIRES PLUS ATTRACTIFS

La création du CDI intérimaire devrait également bénéficier aux entreprises clientes, en apaisant un climat parfois conflictuel entre les deux parties. Comme l’explique Jérôme Charpentier, responsable RH chez Rémy Martin : « La relation sera moins tendue entre le manager de production, le responsable RH et l’intérimaire. Quand arrive l’échéance d’une mission, on sent souvent la tension monter. » L’intérimaire avec un CDI n’aura pas l’angoisse du lendemain une fois sa mission terminée. Cela sécurisera aussi juridiquement des entreprises qui ont souvent des pratiques très limites, en maintenant des intérimaires sur des missions sans respecter les délais prévus par la loi entre deux contrats (tiers temps).

Pour les clients, la répercussion sur les prix de l’intérim est difficile à apprécier dès maintenant. « Du moment que ça ne me coûte pas plus cher, je me moque de savoir si un intérimaire est en CDI ou pas », résume le PDG d’une entreprise de la chimie. Pour se faire un avis, il devra attendre le contenu précis du texte qui sortira de la négociation prévue dans l’accord de sécurisation. A priori, l’indemnité de fin de mission, égale à 10% du salaire, disparaîtra, ce qui baissera la rémunération et le coût pour les entreprises clientes. Mais les agences d’intérim devront payer leurs salariés en CDI pendant les périodes d’intercontrat. Ce qui a un coût. Et c’est là l’un des enjeux essentiels de la future négociation. Les entreprises d’intérim seront tentées de répercuter ce coût auprès de leurs clients car « les marges sont faibles, le taux de résultat net se situe entre 0,5% et 1%, et le métier est banalisé », indique Thomas Roux, directeur d’études chez Precepta.

Mais le CDI intérimaire pourrait aider les agences à monter en gamme. « Nous pourrons investir en formation sur ces salariés en CDI, monter des dossiers plus complexes, car il restera a priori durablement chez nous », assure Alain Dehaze, le président d’Adecco France. François Béharel (Randstad), lui, met en avant la possibilité d’utiliser les budgets formation pour former les bons intérimaires « vers les métiers pénuriques ». Des salariés plus compétents qui seront facturés plus chers. « L’intérim deviendra alors plus attractif pour les jeunes diplômés, qui n’en ont pas toujours une bonne image », estime Sébastien Hampartzoumian, directeur général de Page Personnel. Une meilleure image pour les quelques élus en CDI, mais pour 90% des intérimaires, tout continuera comme avant.




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