Les syndicats et le patronat du secteur de l'intérim se sont accordés vendredi 5 avril sur les grands principes d'un futur contrat à durée indéterminée (CDI) pour les intérimaires, à l'issue d'une deuxième séance de négociations.
Ce nouveau contrat doit permettre aux grandes entreprises du secteur d'échapper au renchérissement des cotisations chômage sur les contrats courts, prévu par l'accord sur l'emploi du 11 janvier.
L'organisation patronale Prisme, qui regroupe la quasi-totalité du secteur et les cinq syndicats (USI-CGT, FO, CFDT, CFE-CGC et CFTC) ont pour la première fois débattu sur la base d'un document (rédigé comme de coutume par le patronat). "Tout n'a pas été réglé, mais, sur les grands principes, il y a un quasi-consensus", estimait à l'issue de la réunion François Roux, le délégué général de Prisme (en photo ci-dessous).
UNE RÉMUNÉRATION AU MOINS ÉGALE AUX SALARIÉS ÉQUIVALENTS
Les grands "axes" ou "principes" sont les suivants : pas de caractère automatique, CDI de droit commun (avec des adaptations restant à définir, mais pas une nouvelle forme de contrat) et rémunération au moins égale à celle perçue par un salarié de même qualification de l'entreprise. Les agences d'intérim prendront à leur charge les périodes entre deux contrats, qui pourront donner lieu à des prises de congés ou à une phase de formation, affirme par ailleurs le texte patronal.
En "contrepartie" de la liberté laissée aux agences de choisir les intérimaires accessibles au CDI, la CFDT demande des "objectifs de recrutement fixés par branche et par entreprise" et une "transparence" sur les critères afin de limiter le risque de "discriminations".
"Sur quels critères [se fera le choix] ?", interrogeait pour sa part André Fadda (USI-CGT), selon qui "l'intérimaire doit pouvoir demander un CDI". Pour le représentant CGT, "il faut mettre un certain nombre de verrous pour que les salariés ne soient pas mis en concurrence". Le premier syndicat, entré à reculons dans la négociation, craint "un CDI au rabais".
Dans cette négociation ouverte le 1er mars, le patronat espère aboutir à un accord le 28 juin, après trois autres séances plénières, programmées pour les 19 avril, 31 mai et 14 juin.
Si les contrats
d’intérim ont échappé aux cotisations chômage alourdies, c’est en échange de
l’engagement de la branche de créer un CDI pour l’intérim. Les plus optimistes
prévoient les premiers contrats pour janvier 2014, le temps que la
négociation aboutisse et que l’accord soit transféré dans la loi.
Quel
impact peut-on en attendre ? Le président du Prisme, le syndicat professionnel
des entreprises du secteur, Arnaud de la Tour, estime « entre 5 et 10% de l’effectif intérimaire »les personnes
potentiellement concernées. « Un chiffre observé dans les pays européens où ce
contrat de travail existe déjà », précise-t-il. Une proportion
reprise en boucle par les majors de l’intérim. Soit, au mieux, la création de
50 000 nouveaux CDI environ. Volontariste et supporter de la première
heure de la mesure, François Béharel, le président de Randstad, monte
jusqu’à 60 000 CDI, estimant que le marché normal de l’intérim est à 600
000 équivalents temps plein.
Prudent, Adecco, le
leader du secteur, promet la création de 10 000 CDI dans les 12 à
24 mois suivant la promulgation du nouveau contrat. Alain Roumilhac,
le président de ManpowerGroup France, en promet entre 4 000 et 8 000.
Quand on lui fait remarquer que c’est peu, il rétorque que «
c’est plus que la création d’une ETI (entreprise de taille intermédiaire) ».
Pour les intérimaires, c’est une bonne nouvelle, avec un accès plus facile au
crédit ou au logement, l’un des points noirs de leur statut malgré les efforts
de la profession.
DES
INTÉRIMAIRES PLUS ATTRACTIFS
La
création du CDI intérimaire devrait également bénéficier aux entreprises
clientes, en apaisant un climat parfois conflictuel entre les deux parties.
Comme l’explique Jérôme Charpentier, responsable RH chez
Rémy Martin : « La relation sera moins tendue entre le manager de
production, le responsable RH et l’intérimaire. Quand arrive l’échéance
d’une mission, on sent souvent la tension monter. » L’intérimaire avec un CDI n’aura pas
l’angoisse du lendemain une fois sa mission terminée. Cela sécurisera aussi
juridiquement des entreprises qui ont souvent des pratiques très limites, en
maintenant des intérimaires sur des missions sans respecter les délais prévus
par la loi entre deux contrats (tiers temps).
Pour
les clients, la répercussion sur les prix de l’intérim est difficile à
apprécier dès maintenant. « Du moment que ça ne me coûte pas plus cher, je me
moque de savoir si un intérimaire est en CDI ou pas », résume le
PDG d’une entreprise de la chimie. Pour se faire un avis, il devra attendre le
contenu précis du texte qui sortira de la négociation prévue dans l’accord de
sécurisation. A priori, l’indemnité de fin de mission, égale à 10% du salaire,
disparaîtra, ce qui baissera la rémunération et le coût pour les entreprises
clientes. Mais les agences d’intérim devront payer leurs salariés en CDI
pendant les périodes d’intercontrat. Ce qui a un coût. Et c’est là l’un des
enjeux essentiels de la future négociation. Les entreprises d’intérim seront tentées
de répercuter ce coût auprès de leurs clients car «
les marges sont faibles, le taux de résultat net se situe entre 0,5% et 1%, et
le métier est banalisé », indique Thomas Roux, directeur
d’études chez Precepta.
Mais
le CDI intérimaire pourrait aider les agences à monter en gamme. «
Nous pourrons investir en formation sur ces salariés en CDI, monter des
dossiers plus complexes, car il restera a priori durablement chez nous »,
assure Alain Dehaze, le président d’Adecco France. François Béharel
(Randstad), lui, met en avant la possibilité d’utiliser les budgets formation
pour former les bons intérimaires « vers les métiers pénuriques ». Des salariés
plus compétents qui seront facturés plus chers. « L’intérim deviendra alors plus attractif pour les jeunes diplômés, qui
n’en ont pas toujours une bonne image », estime
Sébastien Hampartzoumian, directeur général de Page Personnel. Une
meilleure image pour les quelques élus en CDI, mais pour 90% des intérimaires,
tout continuera comme avant.
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