mardi 8 octobre 2013

Indemnités chômage : "Un système à vous décourager de travailler"

Extrait du journal quotidien Sud Ouest





Rafael Carrizo, 40 ans a quitté son Espagne natale en 2008, peu après la déconfiture de son entreprise de maçonnerie terrassée par l’explosion de la bulle immobilière et la crise économique ibérique, c’est dans un seul but « trouver du boulot ». Parce qu’il avait quelques amis dans les Pyrénées-Atlantiques et pour la proximité des lieux avec son pays, il a posé ses valises à Pau.

Comme tous les ressortissants européens Rafael Carrizo peut librement travailler en France. Il n’a jamais réussi à décrocher de CDI, son « rêve », mais a un temps correctement vécu de l’intérim. À condition toujours de faire son deuil de son niveau de qualification. « Une seule fois j’ai décroché un contrat temporaire de chef de chantier, ce qui correspond à mon expérience. La plupart du temps, on ne m’a proposé que des emplois de manœuvre en bâtiment », raconte-t-il. À condition aussi d’accepter de partir travailler à l’autre bout du département, comme à Saint-Jean-Pied-de-Port, près de quatre heures aller-retour et une sacrée facture d’essence. Rafael Carrizo l’a fait et a « toujours payé ses impôts », insiste-t-il. Mais depuis un an, l’intérim fond comme neige au soleil. « Je fais le tour d’une dizaine d’agences tous les mercredis. Pour leur rappeler que je suis disponible. Mais on ne me contacte que très rarement et cela ne dépasse pas les missions de quelques jours », assure-t-il.

Se sortir du RSA
Le quadragénaire a fini par basculer au RSA, calculé en fonction de ses autres sources de revenus, notamment des APL. Aujourd’hui, il touche 386 euros de RSA et 264 d’APL. Une fois ses frais fixes réglés - 60 euros de loyers laissés à sa charge pour son petit appartement HLM en centre-ville de Pau, 40 euros d’électricité et de gaz, 35 euros de parking et 50 pour l’assurance de sa voiture -, il lui reste 201 euros pour se nourrir, s’habiller et ses cigarettes - « je n’arrive pas à arrêter », glisse-t-il. Loin de la panacée.
Mais pas beaucoup moins que ce qui l’attend. Car Rafael Carrizo n’en démord pas et tente toujours de trouver un emploi. Il accepte donc tous les petits boulots qui lui sont proposés, comme des contrats aidés. Récemment, il a ainsi travaillé deux semaines sur un chantier où il avait été placé par une association d’insertion.
Mises bout à bout, ces périodes d’activité lui ont permis d’atteindre le fameux plancher des 610 heures de travail sur les douze derniers mois ouvrant le droit à une indemnisation chômage. « Pour le moral, c’est mieux que d’être au RSA », confie-t-il. Mais quelle ne fut pas sa déconvenue lorsqu’il a découvert, dans un courrier de Pôle emploi du 6 septembre, le montant de l’allocation journalière qu’il percevra : 28,38 euros nets par jour, le minimum, sur une durée de 122 jours, le minimum aussi.

Les précaires pénalisés

« Il aurait touché davantage s’il n’avait fait que de l’intérim et justifié de 150 heures de travail temporaire sur les trois derniers mois. Là, le problème, c’est qu’il dépend de deux régimes différents : l’intérim et des contrats aidés auprès de particuliers. Dans ce cas de figure, il n’a droit qu’à l’allocation minimum même si la moyenne de ses revenus lui faisait espérer davantage. C’est dur, mais on ne peut pas faire autrement, ce sont les textes réglementaires », explique-t-on à l’agence Pôle emploi de la rue Guichenné. Un système qui pénalise les plus précaires obligés de jongler entre les différents types de contrats s’ils veulent travailler. « C’est quand même dingue ! Bien sûr que j’aimerais décrocher plus de missions intérim, mais je n’en trouve pas. La seule chose que l’on me propose, ce sont des petits contrats aidés. Pourquoi sont-ils considérés différemment ? C’est du travail ! », s’énerve Rafael Carrizo.  
Maintenant qu’il a réussi à se sortir du RSA, il s’apprête à perdre ses APL et à devoir payer intégralement ses 320 euros de loyers. Avec 856 euros de chômage par mois, le calcul est vite fait : il lui restera 406 euros par mois une fois ses charges acquittées. Auxquels il devra enlever le remboursement de trop-perçus à la CAF, qui « n’actualise les situations que tous les trois mois ». «Aujourd’hui, j’en suis déjà à 1 000 euros de trop-perçus que je rembourse petit à petit, à coup de 50 euros chaque mois,  », explique Rafael. « En me démenant pour essayer de trouver du boulot, j’améliore mon quotidien d’une centaine d’euros par mois à peine. Ça reste la misère. C’est à vous décourager de travailler. Et dire que je me suis tapé des chantiers sous la pluie ! En restant chez moi, assis sur mon canapé, devant ma télé, je vivrai mieux. En tout cas, je me fatiguerai moins », s’emporte l’Espagnol, à bout, déprimé mais qui rêve toujours d’un CDI à temps complet.  


Note CR : Cet article de Sud Ouest met bien en avant l’absurdité du régime d’assurance chômage et le système dérogatoire très avantageux mis en place à l’initiative du Syndicat Prisme (travail temporaire) au profit des intérimaires.

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