Alors que les négociations sur la réforme de l'indemnisation du chômage en France se tendent, l'emploi intérimaire constitue une des cibles privilégiées pour réaliser des économies. Explications.
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Le coût des droits spécifiques à l'intérim s'élève selon l'Unédic à 340 millions d'euros. Un calcul sans doute nettement sous-estimé, selon la Cour des comptes.
Dans le même temps l'intérim a réussi a s'exonérer de la nouvelle taxe sur les contrats courts visant justement à équilibrer les comptes de l'assurance chômage.
C'est l'un des éléments du deal que les organisations patronales, Medef en tête, veulent proposer aux syndicats dans le cadre de la renégociation en cours de la convention d'assurance-chômage : refondre les règles relatives à l'indemnisation des intérimaires. Ceux-ci bénéficient en effet de règles spécifiques, bien plus avantageuses que celles en vigueur pour les autres chômeurs, intermittents du spectacle mis à part.
Un coût de 340 millions à 1 milliard d'euros
Les intérimaires peuvent cumuler allocations chômage et salaire sans limite, et ne perdent jamais de droits acquis, contrairement aux autres chômeurs. Des avantages coûteux pour l'Assurance-chômage : le coût des droits spécifiques à l'intérim s'élève selon l'Unédic à 340 millions d'euros. Un calcul sans doute nettement sous-estimé : selon la Cour des comptes, le " trou " lié à l'intérim serait plutôt de l'ordre d'un milliard d'euros par an - un chiffrage obtenu en faisant le solde entre les cotisations versées par les entreprises utilisatrices d'intérim et les dépenses de l'Unédic liées à l'indemnisation des intérimaires. C'est pourquoi les magistrats de la rue Cambon ont encore appelé à une réforme de ces règles en novembre dernier, en vue de leur rapprochement avec celles en vigueur pour les autres chômeurs.
Message reçu cinq sur cinq au Medef, qui a décidé de négocier une réduction des droits des intérimaires, afin de dégager des économies. Longtemps, ce sujet a pourtant été tabou au sein des organisations patronales : le prism'emploi, qui représente les entreprises de travail temporaire, ne voulait pas en entendre parler. Pas plus d'ailleurs que les secteurs gros utilisateurs d'emplois temporaires (bâtiment, industrie automobile...). Mais la donne a changé : " En réalité, 85% des entreprises seraient gagnantes à cette réforme . Les règles actuelles favorisent les firmes utilisatrices de contrats courts, qui peuvent tirer avantage de cette flexibilité sans en payer le prix ", souligne l'économiste Bruno Coquet, spécialiste de l'assurance-chômage.
L'intérim prêt à discuter
Plus étonnant, même les représentants des firmes du travail temporaire ont baissé la garde. " Nous sommes prêts à en discuter, confirme François Roux, le délégué général de Prism'emploi. Nous ne voulons plus être stigmatisés comme des profiteurs de l'assurance-chômage et assimilés aux intermittents du spectacle, alors que notre rôle est d'intégrer les salariés dans le monde du travail ". Entre autres arguments mis en avant par le Prism : une réduction à venir de la précarité d'une partie des intérimaires, grâce à la création d'un " CDI intérimaire " et l'allongement de la durée des contrats pour une partie d'entre eux. Sans compter que dans le cadre de la négociation en cours, les droits " rechargeables " (qui permettent de ne pas perdre les droits acquis précédemment en cas de reprise d'emploi), dont les intérimaires et les intermittents sont aujourd'hui les seuls bénéficiaires, pourraient être étendus aux autres demandeurs d'emploi - ce qui rendrait le statut de l'intérim moins intéressant. Et les entreprises d'intérim elles-mêmes ne verraient pas d'un mauvais oeil la réduction de la possibilité de cumul emploi-allocation, qui permet aux intérimaires les plus demandés de compléter leur salaire et de travailler moins, ce qui réduit d'autant l'offre des agences...
" Nous voulons toutefois que cette réforme s'inscrive dans un accord global, et que nous ne soyons pas la seule source d'économies. Il faudra notamment aussi se pencher sur les intermittents du spectacle ", ajoute François Roux. Reste à savoir si les organisations patronales trouveront une oreille attentive du côté des syndicats, qui s'opposent officiellement à toute réduction des droits des chômeurs en période de crise.
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