peu de groupement d'employeurs ont constitué un Comité d'Entreprise mais ils sont nombreux à disposer de délégués du Personnel.
La consultation des délégués du personnel (DP) est souvent envisagée sous son angle supplétif, en l’absence de CE. Il ne faut pourtant pas oublier que les DP sont également amenés à intervenir dans des domaines qui leur sont propres et dans le cadre desquels l’employeur est tenu de les consulter. Nous vous proposons un tour d’horizon de ces consultations obligatoires et quelques conseils pour une intervention efficace.
En matière de consultation des représentants du personnel, on résume souvent le rôle des DP à la formule couramment employée par le législateur : « L’employeur réunit et consulte le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel ».
La consultation des DP est ainsi le plus souvent considérée sous un angle subsidiaire, en l’absence de CE. C’est cependant oublier que le Code du travail a réservé certains domaines dans le cadre desquels l’employeur doit obligatoirement consulter les DP, même en présence d’un CE.
Le Code du travail prévoit l’intervention spécifique des DP dans trois domaines :
- la recherche de reclassement d’un salarié déclaré inapte à son poste à la suite d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle ;
- l’organisation des congés payés ;
- la prise de repos compensateur.
Il faut également savoir, même si nous ne développerons pas ce point ici, que dans les entreprises de moins de 200 salariés, lorsque l’employeur envisage de mettre en place une délégation unique du personnel (qui occupe les missions de DP et du CE), il doit également préalablement consulter les DP sur ce projet (C. trav., art. L. 2326-1).
Quel est le rôle des DP en matière de reclassement d’un salarié déclaré inapte ?
Lorsqu’un salarié est déclaré inapte à reprendre le poste qu’il occupait précédemment par le médecin du travail, l’employeur a l’obligation de chercher à le reclasser. Si cette inaptitude est d’origine professionnelle, il doit consulter les DP sur les possibilités de reclassement de ce salarié (C. trav., art. L. 1226-10).
Dans quel cas les DP doivent-ils être consultés en matière de reclassement ?
L’inaptitude doit être consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle. Si l’inaptitude n’a pas d’origine professionnelle, l’employeur n’est pas tenu de consulter les DP sur le reclassement (Cass. soc., 8 déc. 2004, no 02-44.203 et Cass. soc., 8 déc. 2004, no 03-40.654). Ainsi, les DP n’ont pas à être sollicités si l’inaptitude est consécutive à un accident de trajet (Cass. soc., 16 sept. 2009, no 08-41.879).
Remarque : il est possible que lors du constat d’inaptitude, la CPAM ne se soit pas encore prononcée sur le caractère professionnel de l’inaptitude. Ce sera fréquemment le cas lorsque le salarié demande la reconnaissance d’une maladie professionnelle. L’employeur a alors l’obligation de mettre en œuvre la procédure applicable en cas d’inaptitude professionnelle et doit donc consulter les DP (Cas. soc., 13 févr. 2013, no 11-26.887).
L’employeur ne peut passer outre son obligation de consultation et, ce, même s’il n’est pas en mesure de proposer un poste de reclassement au salarié (Cass. soc., 22 juin 1994, no 91-41.610).
Il faut d’ailleurs savoir que, même dans l’hypothèse où un salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à tout emploi dans l’entreprise, l’employeur doit rechercher les possibilités de reclassement à l’intérieur du groupe parmi les entreprises dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation leur permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel (Cass. soc., 25 juin 2009, no 07-45.656).
À quel moment les DP doivent-ils être consultés sur le reclassement ?
Les DP doivent être consultés :
après le deuxième examen du médecin du travail constatant l’inaptitude du salarié (Cass. soc., 8 avr. 2009, no 07-44.307) ;
avant la proposition du poste de reclassement de l’employeur au salarié (Cass. soc., 26 sept. 2012, no 11-17.908) ;
avant l’engagement de la procédure de licenciement par l’employeur en l’absence de possibilité de reclassement (Cass. soc., 8 avr. 2009, no 07-44.307).
En pratique, l’employeur devant soumettre les propositions de reclassement aux DP, il doit donc avoir préalablement conduit ses recherches de reclassement et sollicité les observations du médecin du travail. Il doit, pour ce faire, rechercher des postes adaptés aux capacités du salarié, qui soient les plus proches possibles de l’emploi précédemment occupé. Si besoin est, l’employeur doit mettre en œuvre des mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.
À quelles informations les DP ont-ils accès en vue de la consultation ?
L’employeur doit fournir aux DP toutes les informations nécessaires quant à l’état de santé du salarié et la recherche de reclassement pour leur permettre de donner un avis utile, en connaissance de cause (Cass. soc., 19 mars 2008, no 06-45.133).
Ainsi, les DP doivent avoir accès au constat d’inaptitude et aux conclusions du médecin du travail (Cass. soc., 26 janv. 2011, no 09-72.284), à la liste des postes disponibles au reclassement et aux adaptations de postes envisageables.
Ces éléments doivent être transmis avec la convocation, à défaut de quoi la consultation sera considérée comme insuffisante (Cass. soc., 29 févr. 2012, no 10-28.848).
Comment s’organise la consultation ?
Si l’entreprise comporte plusieurs établissements, les DP consultés sont ceux de l’établissement auquel le salarié déclaré inapte appartient (Cass. soc., 13 nov. 2008, no 07-41.512).
L’employeur est tenu de recueillir l’avis de tous les DP titulaires (pouvant être remplacés par des DP suppléants en cas d’impossibilité ; Cass. soc., 3 juill. 1990, no 87-41.946) ; il peut le faire individuellement (Cass. soc., 29 avr. 2003, no 00-46.477).
Une fois l’avis des DP exprimé, l’employeur pourra proposer un ou plusieurs postes de reclassement au salarié.
Remarque : si le salarié refuse les postes de reclassement qui lui sont proposés et qu’une nouvelle proposition lui est faite par l’employeur, ce dernier n’est pas tenu de consulter à nouveau les DP (Cass. soc., 3 juill. 2011, no 98-43.326).
Au final, soit le salarié sera reclassé sur un nouveau poste qu’il aura accepté, soit l’employeur pourra procéder à son licenciement (C. trav., art. L. 1226-12).
Que se passe-t-il si l’employeur ne consulte pas les DP ?
Le défaut de consultation par l’employeur peut constituer un délit d’entrave.
De plus, le salarié peut faire valoir en justice l’irrégularité de son licenciement et percevoir une indemnité correspondant à 12 mois de salaire (C. trav., art. L. 1226-15). Sur ce point, il faut savoir que c’est à l’employeur de prouver qu’il a sollicité l’avis des DP : en cas de contestation du licenciement, l’employeur devra donc produire non seulement les éléments prouvant qu’il a bien préalablement transmis aux DP les informations nécessaires à la consultation, mais également l’avis rendu par les DP. De plus, si les DP mettent en avant une recherche incomplète, l’employeur devra également prouver qu’il a pris en compte cet avis.
Quel est le rôle des DP en matière de congés payés ?
Rendre un avis sur la période de prise des congés et l’ordre des départs
En matière de congés payés, lorsqu’il n’y a pas de convention ou d’accord collectif de branche ou d’entreprise traitant de ces points, l’employeur est tenu de consulter les DP sur :
la période de prise des congés qu’il projette de mettre en place dans l’entreprise ; s’il existe un CE, ce dernier doit également être consulté (C. trav., art. L. 3141-13) ;
l’ordre des départs des salariés en congés à l’intérieur de cette période qu’il fixera en fonction de critères liés à la situation personnelle des salariés (C. trav., art. L. 3141-14).
Cette consultation peut être l’occasion pour les DP de faire des suggestions d’amélioration quant à l’organisation des dates et des départs en congés sur la base des souhaits, ou des nécessités personnelles exprimés par les salariés ; mais l’employeur n’est pas tenu de se conformer à cet avis.
Si les DP rendent un avis négatif sur la décision de l’employeur, ce dernier peut en effet passer outre et organiser les congés comme il le souhaite, sous réserve du respect de la réglementation en la matière.
Rendre un avis conforme sur la fermeture de l’entreprise et le fractionnement des congés
Si l’employeur souhaite procéder à la fermeture de l’entreprise pour une durée inférieure à 24 jours ouvrables, cela entraîne le fractionnement du congé principal ; il doit alors recueillir au préalable l’avis conforme c’est-à-dire l’avis favorable des DP (C. trav., art. L. 3141-20). Ainsi, si l’employeur n’a pas recueilli l’avis exprès des DP, sa décision de fractionnement est irrégulière et, ce, même s’il en est fait mention dans le compte rendu de la réunion mensuelle des DP. Par conséquent, son non-respect ne peut justifier un licenciement pour faute grave à l’égard des salariés qui ne respectent pas la période de congés payés ainsi définie (Cass. soc., 29 juin 2011, no 09-70.688).
Que faire si l’employeur ne respecte pas son obligation de consultation ?
Si l’employeur refuse de consulter les DP sur la fixation de la période ou de l’ordre des départs en congés payés, il n’y a pas de délit d’entrave. En revanche, les DP peuvent alerter l’inspecteur du travail.
Ce dernier pourra alors verbaliser et condamner l’employeur à une amende pour contravention de 5ème classe (1 500 €) autant de fois qu’il y a de salariés concernés par le non-respect de son obligation (C. trav., art. R. 3143-1 ; Cass. crim., 6 févr. 1990, no 87-82.316).
Quel est le rôle des DP en matière de repos compensateur ?
Lorsque des salariés effectuent des heures supplémentaires au-delà du contingent annuel, ils bénéficient d’un repos compensateur. Ce repos compensateur obligatoire est pris par le salarié sur sa demande (précisant la date et la durée souhaitées) auprès de l’employeur au moins une semaine à l’avance. Celui-ci doit, dans les 7 jours suivant la réception de la demande, donner son accord ou reporter.
Si l’employeur souhaite reporter la prise du repos compensateur, il doit au préalable consulter les DP en exposant les impératifs liés au fonctionnement de l’entreprise qui motivent le report de la demande. Ces raisons devront également être explicitées au salarié par l’employeur qui proposera une autre date dans les 2 mois (C. trav., art. D. 3121-13).
Remarques : le repos compensateur n’est obligatoire que pour les heures effectuées au-delà du contingent annuel d’heures supplémentaires. Il correspond à 50 % (pour les entreprises de 20 salariés maximum) et 100 % (pour les entreprises de plus de 20 salariés) des heures effectuées au-delà du contingent (exemple : 1 heure au-delà du contingent donne droit à une demi-heure de repos dans les entreprises de moins de 21 salariés ; C. trav., art. L. 3121-11).
Dans quelles situations les DP interviennent-ils de manière supplétive ?
Faute de comité d’entreprise et de CHSCT en raison d’un effectif insuffisant ou d’absence d’élus dans l’entreprise, les compétences de ces instances sont transférées en tout ou partie aux DP.
Attributions supplétives en l’absence de comité d’entreprise
Dans toutes les entreprises dépourvues de comité d’entreprise, quel que soit leur effectif, l’employeur est tenu d’informer et de consulter les DP sur différentes thématiques. Ce transfert de compétence est prévu par le Code du travail de manière ponctuelle, pour chaque consultation concernée, le texte se référant à la consultation du CE « ou à défaut des délégués du personnel ».
Certains textes prévoient spécifiquement la consultation des DP, dans les entreprises de moins de 50 salariés sur le licenciement collectif pour motif économique (C. trav., art. L. 2313-7), sur l’utilisation du crédit d’impôt compétitivité (C. trav., art. L. 2313-7-1) ou sur la formation professionnelle (C. trav., art. L. 2313-8).
Dans les entreprises de 50 salariés et plus, en l’absence de comité d’entreprise (pour cause de carence lors des dernières élections), s’ajoute un droit d’information et de consultation en matière économique, financière et professionnelle (exemple : la GPEC), par l’effet d’un transfert aux DP des attributions économiques du CE. (C. trav., art. L. 2313-13).
Exemple : les DP doivent ainsi être consultés sur un projet de licenciement économique collectif, sur le plan de formation de l’entreprise, sur le règlement intérieur de l’entreprise, etc.
Attributions supplétives en l’absence de CHSCT
En l’absence de CHSCT, la réglementation prévoit que les DP exercent les compétences de cette instance.
Il y a transfert de compétences aux DP dans les entreprises dont l’effectif est inférieur à 50 salariés au sein desquelles il n’y a, en principe, pas de CHSCT. En effet, l’employeur n’a l’obligation d’organiser la désignation des membres de cette instance que si l’entreprise a atteint le seuil d’au moins 50 salariés pendant 12 mois, consécutifs ou non, au cours des trois dernières années (C. trav., art. L. 4611-1).
Il y a également transfert de compétences dans les entreprises de 50 salariés et plus dépourvues de CHSCT en cas de carence lors de la désignation.
Les DP exercent alors toutes les missions dévolues au CHSCT (C. trav., art. L. 2313-16 et L. 4611-3).
Exemple : les DP sont consultés préalablement avant toute décision d’aménagement important modifiant les conditions d’hygiène et de sécurité ou les conditions de travail.
Comment rendre la consultation efficace ?
La consultation des DP ne doit pas se limiter à un simple exercice formel de la part de l’employeur ; elle doit être l’occasion d’instaurer une discussion avec ces derniers afin que les DP puissent exprimer leur avis efficacement.
Une consultation préalable, l’accès à des informations claires et précises, un délai d’examen suffisant
La consultation des DP consiste pour l’employeur à solliciter l’avis de ses représentants du personnel après avoir engagé avec eux une discussion.
La consultation doit être préalable, c’est-à-dire, intervenir avant que l’employeur ait pris définitivement sa décision et, a fortiori, avant de l’avoir mise en œuvre afin qu’une discussion puisse avoir lieu.
Pour que cette discussion ait valablement lieu, l’employeur doit :
donner accès à une information claire et précise ;
laisser un délai suffisant aux DP pour examiner ces informations.
Comment les DP émettent-ils un avis ?
La réglementation ne prévoit pas de formalisme particulier, que ce soit du côté de l’employeur (pour recueillir l’avis des DP) ou des DP (pour exprimer leur avis).
En pratique, le plus souvent, la consultation aura lieu dans le cadre d’une réunion organisée à l’initiative de l’employeur. Il peut s’agir de la réunion mensuelle ou d’une réunion intermédiaire spécifique à la consultation.
Il est également admis que l’employeur puisse consulter individuellement les DP.
Dans tous les cas, l’avis de tous les DP titulaires (ou leurs suppléants en cas d’impossibilité de ces derniers) doit avoir été sollicité.
Pour exprimer leur avis, les DP n’ont pas à organiser de vote, chaque délégué pouvant exprimer individuellement son avis.
Il est conseillé de formaliser cet avis par écrit, d’en transmettre un exemplaire à l’employeur et d’en conserver également un. De plus, pour des raisons pratiques, il convient de consigner la consultation de l’employeur et l’avis des DP dans le registre spécial destiné à recueillir les demandes des délégués et les réponses de l’employeur.
Les DP peuvent-ils refuser de donner leur avis ?
Ni la loi ni la jurisprudence n’oblige les DP à émettre un avis. La question qui se pose est de déterminer l’objectif poursuivi : le refus de donner un avis se fonde-t-il sur un manque d’informations transmises par l’employeur ou un manque de temps pour examiner les informations ?
Dans ce cas, le fait de refuser de donner un avis peut être un moyen efficace pour les DP de faire pression sur l’employeur pour que celui-ci se montre plus loyal et respectueux de son obligation d’information-consultation. Les DP peuvent, ainsi, réclamer une seconde réunion à l’employeur, ainsi que des documents et informations complémentaires.
En revanche, l’efficacité d’un refus de donner un avis pour exprimer un mécontentement, un désaccord avec l’employeur, semble plus discutable : un avis motivé et circonstancié aura en effet plus de poids et sera susceptible d’alerter le personnel et la direction sur l’état des relations du travail et du dialogue social.
En effet, de son côté, l’employeur peut estimer avoir valablement consulté les DP, constater l’absence d’avis, passer outre et mettre en œuvre sa décision. En cas de contestation, il ne reste plus alors aux DP qu’à saisir l’inspection du travail et chercher à faire reconnaître l’entrave à leurs attributions. Les salariés peuvent quant à eux faire valoir une irrégularité.
L'employeur a aussi l'obligation de tenir un registre des délégués du personnel, sous peine d'amende (obligatoire à partie de 10 salariés).
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