dimanche 15 février 2015

Entretiens d'évaluation (désormais obligatoires) : jusqu'où l'employeur peut-il aller?


Les entretiens d'évaluation des performances des salariés sont devenus monnaie courante dans les entreprises mais aussi dans les groupements d'employeurs



Ces évaluations ne sont pas sans poser de questions notamment quant aux limites acceptables de celles-ci.

L'objectif de l'évaluation du salarié :

L'évaluation d'un salarié doit avoir pour unique objectif l'appréciation des capacités professionnelles de celui-ci.

Il résulte d'ailleurs des dispositions de l'article L 1222-2 du code du travail que les informations doivent présenter un lien direct et nécessaire avec l'aptitude du salarié de sorte que les informations qui seraient sans lien direct avec l'emploi ont un caractère illicite.

Bien que la jurisprudence de la Cour de Cassation ne soit pas pléthorique sur ces entretiens, les Juges du fond ont régulièrement estimé que dès lors que l'appréciation de la performance tient compte d'éléments extérieurs à la compétence professionnelle des salariés tels que les aléas économiques ou la stratégie commerciale, ces éléments rendent la méthode d'évaluation illicite.

Il en est de même lorsqu'un système d'évaluation par quota est mis en place dès lors que ce système détermine au préalable le nombre de salariés à classer dans chaque niveau de performance alors que l'évaluation des salariés doit reposer sur leur compétence et performance individuelles.

La Cour de Cassation en a d'ailleurs décidé ainsi en estimant que la mise en œuvre d'un mode d'évaluation reposant sur la création de groupes affectés, de quota préétablis que les évaluateurs sont tenus de respecter est illicite.



Les critères à prendre en compte dans l'évaluation :


La jurisprudence considère que les critères doivent être objectifs, précis et transparents et doivent garantir la connaissance et la compréhension par les salariés de leur évaluation.

La pertinence de l'outil d'évaluation est comparé par rapport à la finalité de celui-ci qui consiste à apprécier les aptitudes professionnelles des salariés de sorte que l'ensemble des critères flous qui ne permettent pas de savoir si ce sont des compétences et des objectifs qui sont jugés ou si ce sont des comportements qui sont évalués avec le risque de subjectivité d'une notation basée sur le comportement du salarié devant adhérer à des valeurs d'entreprises, sont illicites.

Certains juges ont néanmoins estimé que les critères comportementaux ne sont pas proscrits par principe mais ils sont à prendre avec circonspection et doivent être en lien direct avec l'emploi.

Il convient en toute hypothèse que les critères comportementaux soient suffisamment précis pour permettre une appréciation objective en liaison avec l'activité professionnelle du salarié.

Compte tenu de la tendance des Juges du Fond à caractériser l'illicéité des entretiens d'évaluation lorsqu'ils sont basés sur des critères comportementaux ou subjectifs, il est conseillé de proscrire ce type de critère.

D'ailleurs, le caractère trop subjectif des critères d'appréciation pourrait conduire des salariés à entrer en voie de contestation par le biais des règles en matière de discrimination.

De surcroît, en dehors même des critères discriminatoires, certains salariés ont obtenu avec succès le paiement de primes d'objectif qui ne leur avaient pas été attribuées prétendant que les critères d'attribution ne reposaient pas sur des éléments objectifs matériellement vérifiables de sorte que l'égalité de traitement entre les salariés était rompue.



Les entretiens d'évaluation et les risques sur la santé des salariés :


Certaines décisions ont estimé qu'un système d'évaluation peut être déclaré illicite en raison des risques avérés qu'il faisait peser sur la santé des salariés notamment lorsque la performance des salariés étaient mesurée quotidiennement ou que la qualité du travail telle qu'elle était évaluée, dépendait également des résultats d'autres collaborateurs.

Les Juges ont pu considérer que cette situation pouvait créer un stress permanent et était générateur de risques psycho-sociaux.

La consultation du CHSCT en cas de mise en place d'un système d'évaluation ou d'une modification importante de celui-ci doit intervenir afin que les représentants du personnel puissent évaluer l'impact sur la santé physique ou morale des salariés.

Il apparaît donc que si l'évaluation de la performance des salariés est possible, cette évaluation doit reposer sur des critères précis, objectifs directement liés à l'activité professionnelle du salarié et ne doit pas être discriminatoire ou rompre les principes de l'égalité de traitement entre les salariés d'une même entreprise.

L'employeur n'a donc pas une liberté totale en la matière.


L'entretien professionnel devient obligatoire

L'Accord National Interprofessionnel de 2013 retranscrit dans le code du travail  instaure un entretien professionnel obligatoire pour tous les salariés tous les deux ans.
Tous les six ans, lors de cet entretien, un bilan est fait du parcours professionnel du salarié dans l’entreprise qui permet de vérifier  « que le salarié a bénéficié au cours des six dernières années des entretiens professionnels prévus au I et qu’il a :

« 1° suivi au moins une action de formation ;
« 2° bénéficié d’une progression, salariale ou professionnelle ;
« 3° acquis des éléments de certifications, par la formation ou par une validation des acquis de son expérience ;
Ces dispositions sur l’entretien professionnel comporte une « garantie formation » pour le salarié.
« Dans les entreprises de plus de cinquante salariés, lorsque au  cours de ces six années le salarié n’a pas bénéficié des entretiens prévus et d’au moins deux des trois mesures mentionnées aux 1°, 2° et 3°, son compte personnel est abondé dans les conditions définies à l’article L. 6323-12. (crédit de 100 heures du CPF , note CR).
Cette garantie accordée au salarié est néanmoins bien fragile.
–          L’abondement automatique du CPF ne concerne que  les salariés des entreprises de plus de 50 salariés, contrairement aux visées de l’exposé des motifs qui porte particulièrement sur « les salariés des très petites, petites et moyennes entreprises »
–          Elle ne qualifie pas  l’action de formation qui serait prise en compte pour « faire tomber » l’abondement automatique du CPF.
Lorsque l’on sait qu’une très large part du plan de formation de nombreuses entreprises est consacré à des formations obligatoires, récurrentes, qui n’enrichissent pas le portefeuille compétences des salariés et ne les accompagnent pas dans l’évolution de leur emploi, on se dit que cette « garantie » ne contribuera pas nécessairement au développement professionnel, ou même au maintien de l’employabilité.
–          Une « progression salariale ou professionnelle » peut être prise en compte. Mais de quelle progression s’agit il ? Une augmentation générale, par exemple, ou une augmentation légale du SMIC, seront-elles considérées ?
Et en quoi une augmentation, même individuelle, est elle un indice de sécurisation professionnelle ?

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