dimanche 11 septembre 2016

Quelle est la portée de la Loi travail sur le décompte des effectifs dans un groupement d'employeurs

Le Conseil Constitutionnel avait clairement posé cette question du décompte des effectif par son arrêt du 20 novembre 2015 en critiquant la Loi concernant le calcul des bénéficiaires de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés (Décision n° 2015-497 QPC du 20 novembre 2015)

Le gouvernement ne pouvait donc qu'en prendre acte et logiquement modifier la Loi en conséquence.

C'est ce qu'il a fait dans la Loi El Khomri, de manière radicale, comme suit :


« Art. L. 1253-8-1. – Pour l’application du présent code, à l’exception de sa deuxième partie, les salariés mis à la disposition, en tout ou partie, d’un ou de plusieurs de ses membres par un groupement d’employeurs ne sont pas pris en compte dans l’effectif de ce groupement d’employeurs. »

Les parties du codes du travail sont :

·         Première partie : Les relations individuelles de travail (licenciement éco)
·         Deuxième partie : Les relations collectives de travail (élections professionnelles et dialogue social). Pour connaitre le sommaire de cette seconde partie, cliquez : ICI )
·         Troisième partie : Durée du travail, salaire, intéressement, participation et épargne salariale
·         Quatrième partie : Santé et sécurité au travail
·         Cinquième partie : L'emploi (dispositifs d’aide)
·         Sixième partie : La formation professionnelle tout au long de la vie (alternance et stage)
·         Septième partie : Dispositions particulières à certaines professions et activités

·         Huitième partie : Contrôle de l'application de la législation du travail (obligation emploi handicapés)


En clair, une première rapide lecture nous laissait à penser que les règles actuelles applicables pour les élections CE /  DP / DUP ou pour le CHSCT resteraient en vigueur et que la nouvelle règle  de décompte issue de la Loi El Khomri s'appliquerait pour tout le reste du code du travail.

Or, pour rappel, pour déterminer les seuils, notamment en matière d'institutions représentatives du personnel DP et CE, c'est principalement les articles L 1111-2 et R 1111-1 qui donnaient la marche à suivre pour le décompte des effectifs :

Article L1111-2 
Pour la mise en oeuvre des dispositions du présent code, les effectifs de l'entreprise sont calculés conformément aux dispositions suivantes :....
2° Les salariés titulaires d'un contrat de travail à durée déterminée, les salariés titulaires d'un contrat de travail intermittent, les salariés mis à la disposition de l'entreprise par une entreprise extérieure qui sont présents dans les locaux de l'entreprise utilisatrice et y travaillent depuis au moins un an, ainsi que les salariés temporaires, sont pris en compte dans l'effectif de l'entreprise à due proportion de leur temps de présence au cours des douze mois précédents. Toutefois, les salariés titulaires d'un contrat de travail à durée déterminée et les salariés mis à disposition par une entreprise extérieure, y compris les salariés temporaires, sont exclus du décompte des effectifs lorsqu'ils remplacent un salarié absent ou dont le contrat de travail est suspendu, notamment du fait d'un congé de maternité, d'un congé d'adoption ou d'un congé parental d'éducation ;....


Article R1111-1 

En application de l'article L. 1111-2, les salariés mis à disposition par une entreprise de travail temporaire, un groupement d'employeurs ou une association intermédiaire ne sont pas pris en compte pour le calcul des effectifs de l'entreprise utilisatrice pour l'application des dispositions légales relatives à la formation professionnelle continue et à la tarification des risques accident du travail et maladie professionnelle qui se réfèrent à une condition d'effectif.

Par ailleurs, s'agissant de la DUP, la Cour de Cassation avait précisé sa position (lire en ce sens : Les salariés des groupements d'employeurs sont désormais éligibles à la Délégation Unique du Personnel (CE/DP) de l'entreprise utilisatrice)

D'IMPORTANTES DIFFICULTÉS D'APPLICATION EN PERSPECTIVE
Premier constat:  ces deux articles sus-visés font partie de la PREMIERE PARTIE du Code du travail. Comment va t-on désormais devoir lire l'article L1111-2 sachant que la Loi nouvelle prévoit que les tous les salariés sont désormais comptabilisés chez les adhérents chez qui ils sont mis à disposition ? Cet article a effectivement toute son importance s'agissant les institutions représentatives du personnel pour lesquelles la loi El Khomri souhait pourtant le statut quo.
Second constat: la Loi nouvelle va totalement remettre en cause la tarification des risques "accident du travail". Les groupements d'employeurs dont le taux était individualisé et qui avaient réussi à payer une cotisation inférieure au taux collectif devront-ils devoir payer plus et à partir de quand ?
Même problème en matière en matière de formation professionnelle : Comment les OPCA vont-ils réagir au fait que la cotisation de la quasi totalité des GE devrait logiquement être réduite à 0.55% contre 1% jusqu'à présent...sachant que lesdits OPCA ne pourront demander une cotisation aux entreprises qui ont bénéficié de ces mises à disposition du simple fait qu'ils ne sont pas comptabilisés dans leur masse salariale.

Les URSSAF, dont l'essentiel des règles sont issues du Code de la Sécurité Sociale (et non du Code du travail) vont elles accepter de ne plus recouvrer le forfait social au taux de 8% ou la taxe transport du seul fait de ce texte ? Rien n'est moins certain.
Plusieurs juristes et experts comptables (notamment  le Groupe Experts Juridiques des GE) travaillent déjà sur ces questions  pour tenter d'en cerner plus précisément tous les contours.
Ce qui était attendu comme un salutaire "choc de simplification" par certains risque malheureusement  de réserver pas mal de mauvaises surprises.
Mieux vaut donc analyser le détail complet de cette mesure nouvelle avant de trop se réjouir...
Il devient par ailleurs urgent que le Gouvernement publie une circulaire sur les groupements d'employeurs sachant que la dernière date du 20 mai 1994. A force de petites retouches du Code du travail, la situation devient malheureusement d'une inouïe complexité.


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