vendredi 17 juin 2011

"Passe d’armes" à l’Assemblée Nationale entre majorité et opposition sur les groupements d’employeurs

Ci-après quelques extraits des débats d'hier....

Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur pour avis. …et quatre amendements, dont j’étais à l’origine, sur les groupements d’employeurs, le premier garantissant l’égalité de traitement entre les salariés des groupements et ceux des entreprises auprès desquelles ils sont mis à disposition, le deuxième supprimant directement l’obligation faite aux entreprises de plus de 300 salariés de signer un accord collectif pour adhérer à un groupement, le troisième visant à ouvrir le champ de la négociation collective pour les groupements et le quatrième tendant à sécuriser les dérogations au principe de responsabilité solidaire pour les dettes sociales.
Les groupements d’employeurs constituent une solution pour déprécariser les salariés car en regroupant les besoins de main-d’œuvre de plusieurs entreprises, ils permettent de transformer des CDD ou de l’intérim en CDI. Ils montrent que c’est le travail qui crée l’emploi et non l’inverse : en regroupant des besoins en travail auprès de plusieurs entreprises de toutes sortes, on peut alors créer des emplois stables. Il serait peut-être préférable de n’avoir que des CDI dans les entreprises, mais le choix aujourd’hui, c’est entre des CDD ou de l’intérim d’un côté, et des CDI dans les groupements d’employeurs de l’autre, CDI qui permettent aux employés d’avoir de la visibilité, d’accéder à des crédits immobiliers. Cette seconde solution n’est-elle pas préférable ? Je crois que si.
Le constat porté sur les groupements d’employeurs est unanimement positif : ils sont utiles et n’engendrent pas d’effet pervers. Pourtant, il est clair qu’ils sont trop peu développés. L’Union des groupements d’employeurs de France – l’UGEF – vient de réaliser une enquête dont les résultats ont été rendus publics la semaine dernière, au cours de l’assemblée générale à laquelle je me suis rendu. Il existe environ 3 000 groupements agricoles, employant 12 000 salariés, (Note de Cédric Ruellan : La MSA déclare de son coté à partir des déclarations de cotisations qu’il existe plus de 4000 GE agricoles et 17314 salariés en ETP, ces chiffres ne prennent pas en compte les services de remplacement en agriculture et les CUMA qui sont de plein droit des groupements d'employeurs mais comprend les quelques GEIQ agricoles relevant de la MSA) 100 groupements d’insertion et de qualification représentant 3 200 contrats, plus de 300 groupements professionnels qui constituent 12 000 équivalents temps plein ; au total, c’est environ 30 000 emplois qui ont été créés grâce aux groupements. Il a été dit en commission, la semaine dernière, qu’il n’y avait pas de chiffres, je vais donc donner quelques chiffres supplémentaires tirés d’un questionnaire envoyé par l’UGEF en mars 2011 auprès de tous les groupements de France, avec un taux de retour de 55 % (Note de Cédric Ruellan : Le groupement d’employeurs que je préside compte 50 salariés – 125 adhérents et n’a pas reçu cette enquête, il en est de même pour de nombreux autres GE de ma connaissance sans compter ceux qui l’ont reçue et ne l’on pas renvoyée ; 300 GE avec une moyenne de 40 salariés cela parait beaucoup lorsque l’on sait que seuls 100 GE ont un site internet …y compris des GEIQ et et GE Agricoles). Les groupements qui ont répondu ont en moyenne quarante salariés et cinquante-trois adhérents, 57 % ont moins de dix salariés et 24 % entre dix et cinquante salariés, 66 % fonctionnent en autofinancement, la région étant le principal financeur public.

M. Jean Mallot et M. Régis Juanico. En effet !

M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur pour avis. 54 % des salariés des groupements sont des hommes, 46 % des femmes. On a dit qu’ils ne concluaient pas de CDI. Or les CDI temps plein représentent au moins 50 % des effectifs, les CDD temps plein en représentant 30 % et le temps partiel 20 %. En moyenne, il y a deux travailleurs handicapés, huit seniors et sept salariés âgés de moins de vingt-six ans par groupement d’employeurs. 60 % des salariés sont ouvriers ou employés et 15 % des cadres. Je note aussi une extrême diversité des métiers au sein des groupements. Je précise également que 84 % des salariés partagent leur temps de travail entre deux ou trois entreprises.
Ce constat très positif et les vingt-cinq années de recul que nous avons depuis la création des groupements d’employeurs en 1985 montrent qu’il n’y a que des bénéfices à attendre de leur développement. Or celui-ci est entravé par un certain nombre de verrous législatifs que la proposition de loi propose de supprimer : interdiction d’appartenir à plus de deux groupements, accord collectif obligatoire dans les entreprises de plus de 300 salariés pour adhérer à un groupement, responsabilité solidaire pour les dettes salariales et de cotisations sociales et encadrement drastique du recours aux groupements d’employeurs par les collectivités locales. J’ai travaillé sur ce sujet, dans une perspective constructive, en pensant d’abord à tous les salariés précaires qui rêvent d’un CDI.

M. Jean Mallot. C’est en effet un rêve !

M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur pour avis. J’ai par ailleurs pris en compte les remarques de l’opposition : d’abord celles qui avaient été faites en 2009, visant par exemple à maintenir le principe de la responsabilité solidaire et de l’aménager seulement à titre dérogatoire, proposition que j’ai reprise par voie d’amendement ; ensuite, celles qui ont été faites lors de l’examen de la présente proposition de loi en commission, notamment sur l’application de la responsabilité solidaire aux collectivités territoriales, que je propose d’aménager lors de la discussion des articles.
Je regrette qu’à l’inverse, l’opposition ait une attitude un peu dogmatique sur le sujet.

M. Charles de La Verpillière. Ça ne leur arrive jamais ! (Sourires.)

M. Jean Mallot. Il a seulement dit : « un peu » ! (Sourires.)

M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur pour avis. Ainsi, elle a déposé un amendement de suppression sur chaque article alors que le groupement d’employeurs est pourtant une belle invention du parti socialiste en 1985,…

……………………..

M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Gille, pour défendre l’amendement n° 121.

M. Jean-Patrick Gille. Le débat avance finalement, puisque nous sommes d’accord sur le fait que la création des groupements d’employeurs permet de mutualiser les besoins et de créer des emplois. Tout le monde s’accorde également pour reconnaître un intérêt aux groupements d’employeurs à vocation d’insertion et de qualification.
Il est cependant évident que les groupements d’employeurs sont de plus en plus gros, avec de multiples activités. C’est cette dérive qui nous inquiète et nous amène à parler d’intérim low cost ou, à tout le moins, d’une sorte de grossiste de main-d’œuvre.
Prenons ainsi le cas d’activités saisonnières sur une même saison. S’il est fait appel au groupement d’employeurs pour couvrir la période du pic saisonnier et que ce groupement d’employeurs embauche à son tour des personnes en CDD pour assurer la saison, le principe du groupement d’employeurs perd tout intérêt mais cette solution coûte moins cher que l’intérim. C’est de ce point de vue que l’on peut parler d’intérim low cost.

M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur pour avis. Mais non.


M. Jean-Patrick Gille.
Le transfert de la saisonnalité sur le groupement d’employeurs permet d’échapper à tous les surcoûts liés à l’intérim. Ce n’est pas que nous défendions l’intérim mais par rapport à un dispositif qui va s’apparenter à du prêt de main-d’œuvre, l’intérim – l’OIT l’a reconnu – est bien sécurisé dans notre pays et le salarié y gagne un peu plus.
La solution serait bien sûr de faire signer des CDI pour revenir au principe d’origine des groupements d’employeurs. La réalité n’est malheureusement pas aussi simple et je reprendrai l’exemple du groupement d’employeurs Alliance Emploi. On a beau nous dire que c’est formidable, il reste que plus de la moitié des salariés y sont engagés en CDD. Mon amendement est donc très simple : si l’on est bien d’accord sur le fait que l’objectif des groupements d’employeurs est de favoriser la signature de CDI, je vous propose d’imposer, non pas 100 % mais au moins 80 % de CDI dans le groupement d’employeurs. À cette condition, nous serons d’accord car c’est un véritable dispositif à mutualiser le travail que nous aurons créé. Sinon, nous pourrons continuer à parler d’intérim low cost.

M. Alain Vidalies. Excellent et cohérent.

M. le président. La parole est à M. Jean-charles Taugourdeau, rapporteur pour avis.

M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur pour avis. Monsieur Gille, je suis autant d’accord avec vous que je l’étais avec M. Vidalies.

M. Jean-Patrick Gille. Cela ne m’étonne pas.


M. Jean-Charles Taugourdeau,
rapporteur pour avis. Un groupement d’employeurs mono-sectoriel ne peut pas fonctionner. Plusieurs saisons à la même date pour tous les salariés, c’est de l’intérim. Ce n’est ni plus ni moins un groupement d’employeurs déguisé en agence d’intérim. Il y en a très peu car cela implique que des entreprises s’associent, acceptent d’être solidairement responsables et de payer des permanents à l’année pour s’occuper d’un groupement qui ne fonctionnerait que quatre ou cinq mois.
Pourquoi les groupements doivent-ils être multi-sectoriels, voire à cheval sur les deux régimes, agricole et général ? Tout simplement pour multiplier les chances de trouver des heures de travail, si possible à moins de vingt kilomètres du domicile du salarié, et atteindre les 1607 heures par an – il faut en moyenne deux ou trois entreprises.
Pourquoi suis-je contre l’idée de 80 % de CDI ? La plupart des groupements qui fonctionnent bien tournent plutôt aujourd’hui autour de 60, 63 ou 70 %. C’est vrai, j’ai vu la semaine dernière à l’assemblée générale de l’Union des groupements d’employeurs de France – UGEF –, un groupement qui comptait 100 % de CDI, mais c’est assez exceptionnel. La tendance est de favoriser les CDI, en recherchant des heures de travail un peu partout. C’est pour cette raison que les grandes entreprises doivent pouvoir ouvrir largement des petits postes et c’est à cette condition que l’on atteindra des taux de 80 ou 90 % de CDI. En revanche, imposer une telle proportion conduirait à la perte des groupements d’employeurs. Cela me rappelle l’époque où M. Muzeau ou M. Chassaigne, je ne sais plus, réclamait que les groupements d’employeurs embauchent en CDI. Cela aurait signé leur fin !........

(L’amendement n° 121, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

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