jeudi 7 novembre 2013

Le pouvoir de sanction des inspecteurs du travail va être renforcé dès 2014



Le ministre du Travail Michel Sapin a présenté une réforme tendant à donner aux inspecteurs du travail un pouvoir de sanction immédiat, via des amendes financières infligées aux entreprises qui ne respecteraient pas la loi. Ils pourront aussi davantage que maintenant faire stopper des travaux jugés dangereux. L'organisation territoriale de l'inspection est aussi repensée.

Pour les quelque 750 inspecteurs du travail et 1.800 contrôleurs du travail la réforme qui se prépare est une révolution et à plus d'un titre. Le ministre du Travail a en effet décidé de revoir toute l'organisation territoriale du corps de l'inspection du travail ainsi que les pouvoirs dévolus aux inspecteurs. C'est tout l'objet du projet présenté ce mercredi 6 novembre en Conseil des ministres par Michel Sapin. 

Les inspecteurs du travail pourront prononcer des sanctions financières à effet immédiat

A propos des pouvoirs dont vont disposer à l'avenir les inspecteurs du travail, il n'est pas certain que les entreprises apprécient la réforme qui fera l'objet d'un projet de loi examiné au premier trimestre 2014. C'est d'ailleurs dans ce même texte que sera glissée la future réforme de la formation professionnelle.

De fait, les inspecteurs bénéficieront à compter de l'année prochaine d'un pouvoir renforcé en matière de sanction en cas de comportement délinquant. A l'heure actuelle, les inspecteurs qui constatent des infractions ne peuvent que recourir à la voie pénale. Un processus long. Du coup, selon des données du ministères du travail, environ la moitié des procédures sont classées sans suite et celles qui aboutissent requièrent en moyenne deux ans.

A l'avenir, le ministère souhaite donc que les agents puissent aussi imposer des sanctions financières qui auraient le mérite d'être immédiatement applicables. Il est également prévu de pouvoir recourir au dispositif de " l'ordonnance pénale" (procédure sans audience avec un juge unique qui rend la décision au lieu d'un collège formé par trois juges) pour accélérer les procédures.

Davantage de pouvoirs pour stopper immédiatement des travaux dangereux

Mais, surtout, point très important, le projet de réforme vise également à élargir les pouvoirs des inspecteurs en matière de blocage de travaux. Aujourd'hui, seuls ceux dans le bâtiment peuvent être interrompus immédiatement lorsqu'il existe des risques de chutes de hauteur (échafaudages par exemple) ou des risques chimiques et liés à l'amiante, ce qui donne lieu à entre 6.000 et 10.000 décisions par an.

Le ministère souhaite étendre cette capacité à tous les secteurs d'activité et à certains risques comme les risques électriques ou ceux liés aux équipements de travail (les machines notamment) non conformes. Le ministre du Travail Michel Sapin a entamé sur ce point une série de consultation avec les organisations patronales.

La disparition des contrôleurs du travail

Autre point saillant de la réforme : la restructuration de l'organisation fonctionnelle et territoriale de l'inspection du travail. D'abord, la réforme prévoit de transformer (sur une période de 10 ans) tous les postes de contrôleurs du travail (fonctionnaires en catégorie " B "), soit 1.493 agents aux pouvoirs plus limités que les inspecteurs et ne pouvant intervenir que dans les entreprises de moins de cinquante salariés) , en postes d'inspecteurs du travail (actuellement au nombre de 743), fonctionnaires de catégorie « A ».

Ce qui va conduire à une revalorisation de leur traitement et à une accélération de leur progression de carrière. Mais ce n'est pas tellement ce point qui inquiète les syndicats mais plutôt l'organisation collective de l'inspection du travail. Ce sujet cristallise l'opposition d'une partie des agents et des syndicats, qui craignent d'y perdre leur sacro-sainte indépendance, et ont manifesté à plusieurs reprises contre le projet.

Les inspecteurs regroupés dans des "unités de contrôle"

Le plan prévoit en effet de créer des "Unités de contrôle", regroupant 8 à 12 agents qui devront rendre compte à un responsable désigné parmi eux. Jusqu'ici, chaque inspecteur du travail sur son territoire n'avait aucun compte à rendre, dès lors, bien entendu, qu'il respectait les consignes générales. Ce projet se heurte à la "culture assez profonde d'autonomie" des inspecteurs, reconnait-on au ministère, mais vise à donner "une dimension collective" à leur travail.

Le risque d'une perte d'indépendance - celle-ci est d'ailleurs garantie par la convention N°81 de l'Organisation internationale du travail - est un "élément fantasmatique", assure le même ministère qui ajoute qu'il ne faut pas confondre "autonomie et indépendance". Et d'insister également sur le fait que ce regroupement ne remet pas en cause le travail de l'inspecteur du travail qui gardera son territoire ( ce n'est donc pas l'entreprise qui "choisira" son inspecteur) et ne pourra jamais se faire imposer de mener ses actions de telle ou telle façon.

La lutte contre le travail illégal organisé: première des priorités

Dans le cadre de cette réforme, le ministère veut aussi limiter à trois le nombre de priorités assignées aux agents (il y en avait 18 en 2013 !). Pour 2014 ces priorités sont : la lutte contre le travail illégal, les questions de santé-sécurité et l'accompagnement des négociations d'entreprise assorties de pénalité si elles n'aboutissent pas. Telles, par exemple, les négociations sur la pénibilité ou l'égalité femme-homme.

Le projet prévoit aussi de créer des sections d'inspecteurs du travail spécialisées: une unité au niveau régional de 3 à 12 agents chargés de lutter contre le travail illégal;  une cellule d'experts sur les risques chimiques et amiante également dans les régions et une petite équipe d'une dizaine d'inspecteurs, au niveau national, pour les grosses opérations d'envergure nationale en matière de travail illégal (le contrôle sur la prolifération des salariés étrangers envoyés par leurs entreprises en "détachement" en France, notamment) où lorsqu'il y a manifestement un gros problème dans une entreprise (par exemple la vague de suicides à France Telecom ).


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