dimanche 12 octobre 2014

Les groupements d'employeurs doivent-ils rétrocéder leurs allégements de charges : Premières réponses de la Cour de Cassation



Le groupe LISI qui fait plus d'un milliard de CA, spécialisé dans la fabrication de fixations et de composants d'assemblage pour les industries automobile et aérospatiale, consacre au travail temporaire un budget de plusieurs millions d'euros par an. 

Précedemment à cette affaire, Adecco, Manpower et Vedior bis, devenue Randstad, avaient été lourdement condamnés par le Conseil de la concurrence pour des "pratiques concertées" . 


Dès lors, LISI adressait à Manpower et à Ranstad, le 26 avril 2012 , une

demande portant sur la rétrocession intégrale des allègements Fillon dont elle estime avoir été privée et la réparation du préjudice dont elle s'estime victime du fait de l'entente anticoncurrentielle à laquelle Manpower et Ranstad ont participé depuis l’entrée en vigueur de la loi Fillon soit depuis le 1er juillet 2003.
LISI s’appuyait sur un attendu de la cour d'appel qui, dans une
remarque incidente, avait laissé entendre que les entreprises de travail
temporaire (ETT) auraient une obligation de “rétrocéder” les allègements Fillon aux entreprises utilisatrices (EU) : “au regard de l'organisation précédemment exposée des relations entre salariés, ETT et EU, telle qu'elle résulte notamment du code du travail, cette rétrocession ne relève pas, comme le soutiennent les sociétés Manpower et Randstad, de la liberté contractuelle des ETT alors que les négociations entre EU et ETT se limitent à la rémunération du service, fourni par ces dernières”.

Ni Randstad, ni Manpower n'ayant donné suite à ces demandes, LISI les
a assignées devant le tribunal de Commerce de Paris aux mêmes fins, et, à titre subsidiaire, a demandé que soit sollicité l’avis de la Cour de cassation sur le principe d’une rétrocession par les ETT des “allègements Fillon” aux EU.



La Cour de Cassation a décidé quant à elle de pas à rétrocéder leurs allégements de charges aux entreprises utilisatrices. C'est ce qu'elle vient de préciser la Cour de cassation dans un avis. Toutefois, rien n'empêche les deux parties au contrat de prendre en compte le montant de ces réductions lors de la négociation du contrat commercial.


Qui doit bénéficier des allègements de charges sociales ("réductions Fillon") entre l'entreprise de travail temporaire et l'entreprise utilisatrice ? L'entreprise utilisatrice peut-elle exiger la rétrocession des allègements de charge ? C'est à ces deux questions que vient de répondre la Cour de cassation, saisie pour avis par le tribunal de commerce de Paris.

Pour la Cour de cassation, c'est clair : il ne peut pas y avoir substitution de l'entreprise utilisatrice à l'entreprise de travail temporaire dans le bénéfice des réductions de cotisations employeurs.

Son raisonnement est le suivant : dans le cadre d'un contrat d'intérim, c'est l'entreprise de travail temporaire qui a la qualité d'employeur à l'égard du salarié intérimaire. Or, l'article L.241-8 du code de la sécurité sociale qui prévoit que la part des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales qui incombent à l'employeur, reste exclusivement à sa charge, est une disposition d'ordre public ; toute convention contraire serait nulle de droit.
Ensuite, la Cour de cassation écarte toute obligation de rétrocession du montant des réductions à l'entreprise utilisatrice.
"Une interprétation du dispositif des allègements Fillon imposant une obligation de rétrocession viendrait bouleverser l'équilibre des accords intervenus sur le marché des emplois intérimaires...", avait mis en garde l'avocat général.

Mais les réductions Fillon peuvent être un élément de négociation

Pas d'obligation certes, mais tenant compte de la réalité des négociations commerciales, la Cour de cassation admet qu'une entreprise de travail temporaire et une entreprise utilisatrice peuvent "prendre en considération l'incidence de la réduction de cotisations sociales sur le prix des prestations convenues entre elles".
D'ailleurs, dans une lettre du 10 février 2014, le ministre de l'économie et des finances lui-même avait retenu cette position souple. "La loi n'impose aucune obligation aux entreprises de rétrocéder ces allègements à leurs clients. Aucune disposition législative ou réglementaire n'interdit à une entreprise de travail temporaire, si elle le souhaite, de verser à titre commercial à l'entreprise utilisatrice, un montant équivalent à tout ou partie de la réduction des cotisations patronales de sécurité sociale dont elle a bénéficié..."

Une décision transposable aux groupements d'employeurs ?
Rien n'est moins sûr !

En effet, on voit bien que c'est notamment le caractère commercial de l'entreprise de travail temporaire qui a été retenu pour empêcher cette rétrocession.
Or, les groupements sont des structures définies par le code du travail comme étant non lucratives.
Déjà la rétrocession des exonérations Fillon est actuellement obligatoire pour les groupements d'employeurs non soumis à la TVA qui doivent facturer à prix coûtant, ce qui sous entend une rétrocession euro pour euro des exonérations Fillon (cf documentation fiscale .BOI-TVA-CHAMP-10-10-40-10 )

Notons enfin que contrairement aux agences d'intérim, le niveau d'exonération Fillon(majoré ou non) n'est pas fonction de l'effectif du groupement mais d celui de l'adhérent utilisateur.

Difficile de dire donc si cette décision est transposable mais la prudence est de mise.


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