samedi 1 novembre 2014

Manuel Valls s'intéresse au contrat unique


Le Premier ministre estime que le "coût élevé du licenciement" en France, pour une entreprise, est un frein à l'emploi. Et n'écarte pas l'idée d'un contrat unique. Une mesure proposée avant lui par Nicolas Sarkozy.

Manuel Valls promet de ne pas toucher au CDI… Mais le juge complètement obsolète. Une position pour le moins ambiguë que défend le Premier ministre dans un entretien accordé à l'Obs, à paraître jeudi.

Questionné sur les propositions du prix Nobel d'économie français, Jean Tirole, Manuel Valls partage le "constat" de ce dernier sur le marché du travail, qui "ne crée pas assez d'emploi et génère des inégalités importantes entre, d'une part, des salariés très protégés en CDI et, d'autre part, des salariés très précaires en CDD et en intérim".

La cause de ce déséquilibre? "Le coût trop élevé du licenciement, notamment parce que l'incertitude juridique est trop forte".

"Réformer, ce n'est pas supprimer le CDI"

Pourtant, le Premier ministre était moins sévère en septembre, lors du vote de confiance au gouvernement à l'Assemblée. Il avait alors contré les propositions du Medef en déclarant "réformer, ce n'est pas supprimer le CDI. Réformer, c'est affirmer des priorités en refusant l'austérité", alors qu'il appelait les députés socialistes à voter la confiance.

Aujourd'hui, ses raisons pour ne pas supprimer le contrat à durée indéterminée sont plus terre-à-terre: "Les partenaires sociaux n'ont pas souhaité s'engager sur le contrat unique. Ce qui ne veut pas dire que ce n'est pas intéressant. Mais il faut être pragmatique".

Casser le marché à deux vitesses

L'idée du contrat unique a été avancée et analysée depuis longtemps. Il s'agit de casser le marché à deux vitesses que nous connaissons aujourd'hui. D'un côté, les employés en CDI - ou en contrat à vie pour les fonctionnaires - bénéficient d'une forte garantie d'emploi. En cas de licenciement, qui doit être pour raison économique approuvée par les tribunaux, ils ont droit à de solides indemnités. D'un autre côté, les employés en CDD, justement décrits comme précaires. Ils ne bénéficient d'aucune protection et ne reçoivent aucune indemnité lorsque leurs contrats se terminent. Il est difficile de trouver quelque chose de plus inéquitable.
Ce n'est pas seulement une injustice manifeste, c'est aussi une source majeure de chômage. Une entreprise qui embauche en CDI sait que, si sa situation se détériore, dans un an comme dans dix, il lui sera difficile et très coûteux d'ajuster la taille de son personnel. La conclusion est claire: éviter d'embaucher et automatiser au maximum, ou embaucher en CDD au risque de se voir accusé de créer de la précarité, et de s'acheter l'hostilité des syndicats. Si la France est le pays où la productivité du travail est la plus élevée au monde, c'est parce chaque entreprise fait tout ce qu'elle peut pour produire avec le moins de main d'œuvre possible. Cette merveilleuse performance n'est jamais que l'autre visage du chômage de masse.
Le marché du travail à deux vitesses pénalise avant tout les PME. Les grandes entreprises, qui emploient des milliers de personnes, peuvent toujours compter sur les départs volontaires (retraite, déménagement) pour opérer les ajustements à la baisse en cas de besoin. Les PME, qui emploient la majorité des gens dans le secteur privé, n'ont pas ce luxe. Tout le monde veut aider les PME, mais personne ne veut leur donner les moyens d'embaucher quand tout va bien, au risque de débaucher en cas de besoin.
Un contrat unique combine astucieusement CDI et CDD. La protection et les indemnités de licenciement augmentent progressivement avec la durée de l'emploi de chacun. Autrement dit, une personne nouvellement embauchée commence avec un CDD, puis son contrat glisse peu à peu vers un CDI. Il n'y a plus de coupure entre employés protégés et employés précaires, plus de stigmatisation des «CDD permanents» qui passent de petit boulot en petit boulot sans jamais arriver au paradis des CDI. Avec un tel système, on peut supprimer le motif de licenciement pour raison économique, notion très subjective qui est une source de judiciarisation que déplorent toutes les entreprises. Le risque est que les entreprises fassent tourner leur personnel pour n'avoir que des employés récemment embauchés et donc peu protégés. Non seulement ce n'est pas une approche intelligente, car cela empêche de former des employés aux besoins spécifiques de chaque entreprise, mais il existe une solution. Elle consiste à pénaliser les entreprises qui pratiquent un tournis systématique en liant leurs contributions sociales à la fréquence de leurs licenciements, mesurés sur plusieurs années pour éviter les à-coups conjoncturels.

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