La ficelle est légale et redoutable : des employeurs recourent à des salariés français, résidents en France, mais « détachés » depuis l'étranger, souvent du Luxembourg, où ils ont signé un contrat d'intérim via une agence locale, charges sociales bien plus basses à la clef. Difficile d'estimer leur nombre précis. Mais on évalue à 12.500 le nombre de Français détachés en France en 2013. La CGT a réclamé, sans succès à ce stade, des mesures contre cette forme d' « évasion sociale », aussi dénoncée par le patronat de l'intérim (note CR: mais pas part les groupements d'employeurs).
François Rebsamen Manuel Valls haussent le ton
Il sera « intransigeant » et sanctionnera« avec la plus grande sévérité ». Manuel Valls a affiché ce jeudi, lors du comité national de lutte contre le travail illégal, sa farouche volonté de combattre les abus liés au détachement de travailleurs en France. Les travailleurs détachés depuis l’étranger sont soumis au droit de travail français (salaire, durée, etc.) mais leurs cotisations sociales restent dues dans leur pays d’origine, où elles sont souvent bien moins élevées. Dans le BTP, selon un rapport sénatorial, un Polonais détaché revient 30 % moins cher qu’un Français.
Si de tels détachements sont bien autorisés, et encadrés au niveau européen, les fraudes « ont pris une ampleur telle qu’une réaction forte et rapide s’impose. Les salariés, les travailleurs, les ouvriers de ce pays ne comprennent pas qu’à l’heure où des milliers de salariés sont au chômage, des entreprises s’affranchissent des règles pour employer des salariés venus de toute l’Europe, dans des conditions parfois inacceptables », a martelé le Premier ministre. Il était accompagné du ministre du Travail, François Rebsamen, qui a lui aussi érigé la lutte contre les fraudes au détachement en « priorité absolue ».
Un bond de 8 % en 2014
Selon les estimations dévoilées ce jeudi, le nombre de salariés détachés en France et dûment déclarés a de nouveau bondi en 2014, de 8 %, pour atteindre 230.000 (en 2000, ils étaient...7.500). Les plus représentés sont les Portugais (19 %), les Polonais (16 %) et les Roumains (11 %). On les retrouve surtout dans le BTP (37 %), l’industrie et l’agriculture. Les missions effectuées l’an passé représentent 9,7 millions de jours de travail, soit plus de 42.000 emplois à temps plein. Surtout, un rapport du Sénat de 2013 estime que de 220.000 à 300.000 travailleurs sont détachés illégalement en France.
« C’est même probablement encore plus », confie-t-on au sein du gouvernement, où l’on pointe que « beaucoup sont détachés légalement mais basculent ensuite dans le travail illégal ». Selon un rapport publié en septembre par la Cour des comptes le manque à gagner pour la Sécurité sociale, si ces emplois étaient occupés par des non détachés payés au SMIC, avoisine 400 millions d'euros.
Une amende maximale portée à 500.000 euros
Manuel Valls a détaillé ce jeudi un plan de lutte contre ces abus, marqué par une volonté de frapper au portefeuille les entreprises fraudant. L’amende maximale pour fraude au détachement sera ainsi portée, via un amendement au projet de loi Macron , à 500.000 euros (et non les 150.000 prévus jusqu’ici). Les fraudeurs ne bénéficieront en outre plus d’aucune exonération de cotisations sociales. Autre engagement : renforcer les contrôles, en particulier, a précisé Manuel Valls, dans les 500 plus gros chantiers de construction en cours.
Ces mesures compléteront celles déjà annoncées cet automne par François Rebsamen , comme la mise en place d’une carte d’identité professionnelle dans le bâtiment pour y faciliter les contrôles. Fin 2013, la France avait déjà obtenu, de haute lutte, un meilleur encadrement par l’Union européenne du détachement, via l’introduction de la responsabilité du donneur d’ordre en cas de fraude par un prestataire. La loi Savary de l’été dernier a transcrit ses mesures en droit français. Les décrets d’application sont imminents, assure l’exécutif .
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