La France n’a pas tardé à envoyer ses propositions d’action à Bruxelles, devenant ainsi le premier pays à pouvoir bénéficier de l’appui des fonds européens pour ses jeunes chômeurs. Les services publics de l’emploi sont attendus au tournant.
Les intentions couchées sur le papier depuis un an prennent un tour plus concret, avec l’engagement, dès cette année, de fonds européens au profit de plusieurs dispositifs d’accompagnement des jeunes chômeurs.
« On nous accuse d’être longs, compliqués… Mais, dans quelques jours, de l’argent européen arrivera dans les caisses de l’État », assure-t-on à la Commission européenne.
Filet de sécurité
Le 3 juin, la France est en effet devenue le premier pays à pouvoir faire appel aux financements de l’UE, la Commission européenne ayant donné son feu vert au programme français visant à décliner la « garantie jeunesse ».
Le but est de responsabiliser davantage la puissance publique en matière d’insertion professionnelle : « Le rôle de l’État à l’égard des jeunes ne s’arrête pas à l’éducation », insiste Detlef Eckert, directeur des politiques de l’Emploi à la Commission européenne, qui participait à une conférence à Paris le 3 juin.
Cette promesse de « garantie » s’apparente à un filet de sécurité pour les jeunes en déshérence. Quatre mois au plus tard après leur sortie du système scolaire, ils doivent se voir proposer un emploi, une formation, un apprentissage ou un stage.
Si cette première remise en selle échoue, ils restent dans le circuit de l’administration, qui doit revenir à la charge avec de nouvelles propositions « de qualité ».
En France, le travail de coordination à mener est colossal. Huit administrations interviennent dans le repérage de jeunes décrocheurs (voir schéma ci-dessous), potentiellement orientés par la suite vers une panoplie de guichets (Pôle emploi, conseils généraux, Plie, missions locales, régions, etc. ). Et les travers français sont coriaces.
Responsable du Forum français de la jeunesse, Bertrand Coly le déplore :
« On ne sort pas de la logique d’un empilement de dispositifs d’expérimentation dont on voit qu’elle ne fonctionne pas. »
La mise en œuvre de la garantie jeunesse obéira à une architecture complexe. L’État disposera environ de 65 % des 620 millions d’euros disponibles, contre 35 % pour les Régions.
Formations et allocations
Dans le détail, 431 millions d’euros vont pouvoir être engagés sur la base du programme national remis par la France.
Les Régions, de leur côté, devront attendre un peu plus longtemps : leurs plans d’investissement ( « programmes opérationnels » ) sont toujours en cours d’examen. Ils ne seront pas validés de si tôt, puisque l’étape préalable de l’adoption de « l’accord de partenariat » n’a pas été franchie, la Commission ayant demandé à la France de retravailler son document.
Une grande variété d’actions pourra être financée, qu’il s’agisse des missions locales (ANI jeunes), des emplois d’avenir, du parrainage de jeunes défavorisés ou encore du soutien aux entrepreneurs.
S’ils visent surtout à financer des formations, les fonds européens peuvent aussi être envisagés pour le versement d’allocations (sur le modèle de la garantie jeunes introduite avec succès par la mission locale de Carcassonne). Mais, le ministère du Travail s’attend à un système de justification des dépenses assez complexe.
En outre, 40 % des fonds engagés devraient appuyer des dispositifs existants, le reste sera affecté à des actions plus innovantes, sélectionnées par des appels à projets.
Les Régions misent elles aussi sur l’initiative européenne pour soutenir leurs propres politiques : dans le Languedoc-Roussillon, les écoles de la deuxième chance et le programme « Cap Métiers d’Avenir » devraient par exemple en bénéficier.
De son côté, Pôle emploi ambitionne de monter en puissance sur l’accompagnement des jeunes, en doublant les ressources qui y sont affectées. Jusqu’alors, les initiatives menées relèvent plus de l’expérimentation (Clubs Jeunes ZUS dans les banlieues) que de l’action à grande échelle.
Synergie inédite sur l’emploi
Si la France fait partie des États qui se sont le plus rapidement appropriés le programme européen, les autres pays semblent aussi mobilisés. Tous ont adressé un plan d’action à la Commission européenne, en vue de mettre en œuvre le principe de la garantie jeunesse, même si certains n’ont pas droit aux crédits européens spécifiquement prévus à cet effet. C’est le cas de l’Allemagne, de l’Autriche ou encore des Pays-Bas, où la part de jeunes chômeurs en région est largement inférieure au seuil de 25 % requis.
C’est donc la première fois qu’une sorte de synergie se crée en matière d’emploi à l’échelle européenne, dans un domaine où la Commission a habituellement très peu de pouvoirs. Celle-ci se montre d’ailleurs bienveillante dans son appréciation des mesures prises par les États… quitte à laisser libre cours au millefeuille français.
Dans l’Hexagone, la garantie jeunesse devrait concerner 300 000 Neets (ni en emploi ni à l’école), soit un tiers de cette population.
La Commission redoute cependant qu’une proportion trop faible de jeunes bénéficie réellement d’une réactivité des services de l’emploi, dans le délai de quatre mois prévu. « On peut craindre que les mécanismes de coordination – notamment en ce qui concerne Pôle emploi et les missions locales – ne suffisent pas », ajoute la DG Emploi.
L’Italie prévoit d’organiser un sommet à Turin courant juillet, mais « le test grandeur nature » des mesures prises se fera surtout « au deuxième semestre de cette année », indique László Andor. À Paris, le 3 juin, le commissaire à l’Emploi a plaidé pour une « politique de résultat ».